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vicieux de tous les plans, et la trahison de Pichegru, l'invasion
projetee en Allemagne n'avait pas du tout reussi, comme on l'a vu. On
avait voulu passer le Rhin sur deux points, et occuper la rive droite
par deux armees. Jourdan, parti de Dusseldorf, apres avoir passe le
fleuve avec beaucoup de bonheur, s'etait trouve sur la Lahn, serre entre
la ligne prussienne et le Rhin, et manquant de tout dans un pays neutre,
ou il ne pouvait pas vivre a discretion. Cependant cette detresse
n'aurait dure que quelques jours s'il avait pu s'avancer dans le pays
ennemi, et se joindre a Pichegru, qui avait trouve, par l'occupation de
Manheim, un moyen si facile et si peu attendu de passer le Rhin. Jourdan
aurait repare, par cette jonction, le vice du plan de campagne qui lui
etait impose; mais Pichegru, qui debattait encore les conditions de sa
defection avec les agens du prince de Conde, n'avait jete au-dela du
Rhin qu'un corps insuffisant. Il s'obstinait a ne pas passer le fleuve
avec le gros de son armee, et laissait Jourdan seul en fleche au milieu
de l'Allemagne. Cette position ne pouvait pas durer. Tous ceux qui
avaient la moindre notion de la guerre tremblaient pour Jourdan. Hoche,
qui, tout en commandant en Bretagne, jetait un regard d'interet sur les
operations des autres armees, en ecrivait a tout le monde. Jourdan fut
donc oblige de se retirer et de repasser le Rhin; et il agit en cela
avec une grande sagesse, et merita l'estime par la maniere dont il
conduisit sa retraite.
Les ennemis de la republique triomphaient de ce mouvement retrograde,
et repandaient les bruits les plus alarmans. Leurs malveillantes
predictions se realiserent au moment meme de l'installation du
directoire. Le vice du plan adopte par le comite de salut public
consistait a diviser nos forces, a laisser ainsi a l'ennemi, qui
occupait Mayence, l'avantage d'une position centrale, et a lui inspirer
par la l'idee de reunir ses troupes, et d'en porter la masse entiere sur
l'une ou l'autre de nos deux armees. Le general Clerfayt dut a cette
situation une inspiration heureuse, et qui attestait plus de genie
qu'il n'en avait montre jusqu'ici, et qu'il n'en montra aussi dans
l'execution. Un corps d'environ trente mille Francais bloquait Mayence.
Maitre de cette place, Clerfayt pouvait en deboucher, et accabler
ce corps de blocus, avant que Jourdan et Pichegru eussent le temps
d'accourir. Il saisit, en effet, l'instant convenable avec beaucoup
d'a-propos. A
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