s sans les echanger une seule fois,
ceux-la etaient exposes a une perte enorme; car les ayant recus presque
au pair, ils allaient essuyer aujourd'hui toute la reduction. Mais
c'etait la une fiction tout a fait fausse. Personne n'avait garde les
assignats en depot, car on ne thesaurise pas le papier: tout le monde
s'etait hate de les transmettre, et chacun avait essuye une portion de
la perte. Tout le monde avait souffert deja sa part de cette pretendue
banqueroute, et des lors ce n'en etait plus une. La banqueroute d'un
etat consiste a faire supporter a quelques individus, c'est-a-dire
aux creanciers, la dette qu'on ne veut pas faire supporter a tous les
contribuables; or, si tout le monde avait du plus au moins souffert sa
part de la depreciation des assignats, il n'y avait banqueroute pour
personne. On pouvait enfin donner une raison plus forte que toutes les
autres. L'assignat n'eut-il baisse que dans quelques mains, et perdu de
son prix que pour quelques individus, il avait passe maintenant dans les
mains des speculateurs sur le papier, et c'eut ete cette classe beaucoup
plus que celle des veritables leses, qui aurait recueilli l'avantage
d'une restauration insensee de valeur. Aussi Calonne avait-il ecrit
a Londres une brochure, ou il disait avec beaucoup de sens, qu'on se
trompait en croyant la France accablee par le fardeau des assignats,
que ce papier-monnaie etait un moyen de faire la banqueroute sans la
declarer. Il aurait du dire, pour s'exprimer avec plus de justice, que
c'etait un moyen de la faire porter sur tout le monde, c'est-a-dire de
la rendre nulle.
Il etait donc raisonnable et juste de revenir a la realite, et de ne
prendre l'assignat que pour ce qu'il valait. Les patriotes disaient que
c'etait ruiner l'assignat, qui avait sauve la revolution, et regardaient
cette idee comme une conception sortie du cerveau des royalistes. Ceux
qui pretendaient raisonner avec plus de lumieres et de connaissance
de la question, soutenaient qu'on allait faire tomber tout a coup le
papier, et que la circulation ne pourrait plus se faire, faute du papier
qui aurait peri, et faute des metaux qui etaient enfouis, ou qui
avaient passe a l'etranger. L'avenir dementit ceux qui faisaient ce
raisonnement; mais un simple calcul aurait du tout de suite les mettre
sur la voie d'une opinion plus juste. En realite, les 20 milliards
d'assignats representaient moins de 200 millions; or, d'apres tous les
calculs, la circulation ne pou
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