y avait unanimite d'estime pour cet homme de
bien; Letourneur en obtint cent quatre-vingt-neuf, Rewbell cent
soixante-seize, Sieyes cent cinquante-six; Barras cent vingt-neuf. Ce
dernier, qui etait plus homme de parti que les autres, devait exciter
plus de dissentimens, et reunir moins de voix.
Ces cinq nominations causerent une grande satisfaction aux
revolutionnaires, qui se voyaient assures du gouvernement. Il s'agissait
de savoir si les cinq directeurs accepteraient. Il n'y avait pas de
doute pour trois d'entre eux, mais il y en avait deux auxquels on
connaissait peu de gout pour la puissance. Larevelliere-Lepaux, homme
simple, modeste, peu propre au maniement des affaires et des hommes, ne
trouvait et ne cherchait de plaisir qu'au Jardin des Plantes, avec
les freres Thouin; il etait douteux qu'on le decidat a accepter les
fonctions de directeur. Sieyes, avec un esprit puissant qui pouvait tout
concevoir, une affaire comme un principe, etait cependant incapable par
caractere des soins du gouvernement. Peut-etre aussi, plein d'humeur
contre une republique qui n'etait pas constituee a son gre,
il paraissait peu dispose a en accepter la direction. Quant a
Larevelliere-Lepaux, on fit valoir une consideration toute-puissante sur
son coeur honnete: on lui dit que son association aux magistrats qui
allaient gouverner la republique, etait utile et necessaire. Il ceda.
En effet, parmi ces cinq individus, hommes d'affaires ou d'action, il
fallait une vertu pure et renommee; elle s'y trouva par l'acceptation de
Larevelliere-Lepaux. Quant a Sieyes, on ne put vaincre sa repugnance; il
refusa, en assurant qu'il se croyait impropre au gouvernement.
Il fallut pourvoir a son remplacement. Il y avait un homme qui jouissait
en Europe d'une consideration immense, c'etait Carnot. On exagerait ses
services militaires, qui cependant etaient reels; on lui attribuait
toutes nos victoires; et bien qu'il eut ete membre du grand comite de
salut public, collegue de Robespierre, de Saint-Just et de Couthon, on
savait qu'il les avait combattus avec une grande energie. On voyait
en lui l'union d'un grand genie militaire a un caractere stoique.
La renommee de Sieyes et la sienne etaient les deux plus grandes
de l'epoque. On ne pouvait mieux faire, pour la consideration du
directoire, que de remplacer l'une de ces deux reputations par l'autre.
Carnot fut en effet porte sur la nouvelle liste, a cote d'hommes qui
rendaient sa nomination forcee. Ca
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