le plus engageant:
"Et que desirez-vous, mademoiselle?" demanda-t-elle en quittant
son comptoir pour avancer une chaise.
Perrine repondit qu'elle avait besoin de vetements, de linge, de
chaussures, d'un chapeau.
"Nous avons tout cela et de premier choix; voulez-vous que nous
commencions par la robe? Oui, n'est-ce pas. Je vais vous montrer
des etoffes; vous allez voir."
Mais ce n'etait point des etoffes qu'elle voulait voir, c'etait
une robe toute faite qu'elle put revetir immediatement ou tout au
moins le soir meme, afin de pouvoir sortir le lendemain avec
M. Vulfran.
"Ah! vous devez sortir avec M. Vulfran", dit vivement la marchande
dont la curiosite se trouvait surexcitee par cet etrange propos
qui la faisait se demander ce que le tout-puissant maitre de
Maraucourt pouvait bien avoir a faire avec cette bohemienne.
Mais au lieu de repondre a cette interrogation, Perrine continua
ses explications pour dire que la robe dont elle avait besoin
devait etre noire, parce qu'elle etait en deuil.
"C'est pour aller a l'enterrement, cette robe?
-- Non.
-- Vous comprenez, mademoiselle, que l'usage auquel vous devez
employer votre robe dit ce qu'elle doit etre, sa forme, son
etoffe, son prix.
-- La forme, la plus simple; l'etoffe, solide et legere; le prix,
le plus bas.
-- C'est bien, c'est bien, repondit la marchande, on va vous
montrer. Virginie, occupez-vous de mademoiselle."
Comme le ton avait change, les manieres changerent aussi;
dignement Mme Lachaise reprit sa place a la caisse, dedaignant de
s'occuper elle-meme d'une acheteuse qui montrait de pareilles
dispositions: quelque fille de domestique sans doute, a qui
M. Vulfran faisait l'aumone d'un deuil, et encore quel domestique?
Cependant comme Virginie apportait sur le comptoir une robe en
cachemire, garnie de passementerie et de jais, elle intervint:
"Cela n'est pas dans les prix, dit-elle; montrez la jupe avec
blouse en indienne noire a pois; la jupe sera un peu longue, la
blouse un peu large, mais avec un rempli et des pinces, le tout
ira a merveille; au reste nous n'avons pas autre chose."
C'etait la une raison qui dispensait des autres; d'ailleurs malgre
leur taille, Perrine trouva cette jupe et cette blouse tres
jolies, et puisqu'on lui assurait qu'avec quelques retouches,
elles iraient a merveille, elle devait le croire.
Pour les bas et les chemises, le choix etait plus facile,
puisqu'elle voulait ce qu'il y avait de moins cher;
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