hoisir ce que tu voudras, mais n'oublie pas que
ce choix me fixera sur ton caractere. Occupe-toi de cela. Pour
aujourd'hui je n'aurai pas besoin de toi. A demain."
XXVII
Quand a la caisse on lui remit, apres l'avoir examinee des pieds a
la tete, la fiche annoncee par M. Vulfran, elle sortit de l'usine
en se demandant ou demeurait cette Mme Lachaise.
Elle eut voulu que ce fut la proprietaire du magasin ou elle avait
achete son calicot, parce que la connaissant deja, elle eut ete
moins genee pour la consulter sur ce qu'elle devait prendre.
Question terrible qu'aggravait encore le dernier mot de
M. Vulfran: "ton choix me fixera sur ton caractere". Sans doute
elle n'avait pas besoin de cet avertissement pour ne pas se jeter
sur une toilette extravagante; mais encore ce qui serait
raisonnable pour elle, le serait-il pour M. Vulfran? Dans son
enfance elle avait connu les belles robes, et elle en avait porte
dans lesquelles elle etait fiere de se pavaner; evidemment ce
n'etaient point des robes de ce genre qui convenaient
presentement; mais les plus simples qu'elle pourrait trouver
conviendraient-elles mieux?
On lui eut dit la veille, alors qu'elle souffrait tant de sa
misere, qu'on allait lui donner des vetements et du linge, qu'elle
n'eut certes pas imagine que ce cadeau inespere ne la remplirait
pas de joie, et cependant l'embarras et la crainte l'emportaient
de beaucoup en elle sur tout autre sentiment.
C'etait place de l'Eglise que Mme Lachaise avait son magasin,
incontestablement le plus beau, le plus coquet de Maraucourt, avec
une montre d'etoffes, de rubans, de lingerie, de chapeaux, de
bijoux, de parfumerie qui eveillait les desirs, allumait les
convoitises des coquettes du pays, et leur faisait depenser la
leurs gains, comme les peres et les maris depensaient les leurs au
cabaret.
Cette montre augmenta encore la timidite de Perrine, et comme
l'entree d'une deguenillee ne provoquait les prevenances ni de la
maitresse de maison, ni des ouvrieres qui travaillaient derriere
un comptoir, elle resta un moment indecise au milieu du magasin,
ne sachant a qui s'adresser. A la fin elle se decida a elever
l'enveloppe qu'elle tenait dans sa main.
"Qu'est-ce que c'est, petite?" demanda Mme Lachaise.
Elle tendit l'enveloppe qui a l'un de ses coins portait imprimee
la rubrique: Usines de Maraucourt, Vulfran Paindavoine".
La marchande n'avait pas lu la fiche entiere que sa physionomie
s'eclaira du sourire
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