bout de
son fouet legerement.
-- Je ne tiens pas du tout a aller vite, je vous assure, monsieur.
-- C'est deja quelque chose."
Quelle surprise quand, dans les rues de Maraucourt, on vit le
phaeton de M. Vulfran conduit par une petite fille coiffee d'un
chapeau de paille noire, vetue de deuil, qui conduisait sagement
le vieux Coco, au lieu de le mener du train desordonne que
Guillaume obligeait la vieille bete a prendre bien malgre elle!
Que se passait-il donc? Quelle etait cette petite fille? Et l'on
se mettait sur les portes pour s'adresser ces questions, car les
gens etaient rares dans le village qui la connaissaient, et plus
rares encore ceux qui savaient quelle place M. Vulfran venait de
lui donner aupres de lui. Devant la maison de mere Francoise, la
tante Zenobie causait appuyee sur sa barriere avec deux commeres;
quand elle apercut Perrine, elle leva les deux bras au ciel dans
un mouvement de stupefaction, mais aussitot elle lui adressa son
salut le plus avenant accompagne de son meilleur sourire, celui
d'une amie veritable.
"Bonjour, monsieur Vulfran; bonjour, mademoiselle Aurelie."
Et aussitot que la voiture eut depasse la barriere, elle raconta a
ses voisines comment elle avait procure a cette jeune personne,
qui etait leur pensionnaire, la bonne place qu'elle occupait
aupres de M. Vulfran, par les renseignements qu'elle avait donnes
au Mince:
"Mais c'est une gentille fille, elle n'oubliera pas ce qu'elle me
doit, car elle nous doit tout."
Quels renseignements avait-elle pu donner?
La-dessus elle avait enfile une histoire, en prenant pour point de
depart les recits de Rosalie, qui, colportee dans Maraucourt avec
les enjolivements que chacun y mettait selon son caractere, son
gout ou le hasard, avait fait a Perrine une legende, ou plus
justement cent legendes devenues rapidement le fond de
conversations d'autant plus passionnees que personne ne
s'expliquait cette fortune subite; ce qui permettait toutes les
suppositions, toutes les explications avec de nouvelles histoires
a cote.
Si le village avait ete surpris de voir passer M. Vulfran avec
Perrine pour conductrice, Talouel en le voyant arriver fut
absolument stupefait.
"Ou donc est Guillaume? s'ecria-t-il en se precipitant au bas de
l'escalier de sa veranda pour recevoir le patron.
-- Debarque pour cause d'ivrognerie inveteree, repondit M. Vulfran
en souriant.
-- Je suppose que depuis longtemps vous aviez l'intention de
prendra
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