is son mari l'interrompit.
--Non! prononca-t-il. Costeclar n'est pas un garcon a se preoccuper
des caprices ridicules d'une petite fille. Il y a autre chose, mais
quoi? Voyons, si vous le savez, les uns ou les autres, si vous le
soupconnez seulement, dites, parlez!... Vous devez bien voir que mon
anxiete est affreuse.
C'etait la premiere fois qu'il laissait ainsi paraitre quelque chose
de ce qui se passait en lui; la premiere fois qu'il se plaignait.
--Il n'y a que M. Costeclar, mon pere, dit Mlle Gilberte, qui puisse
vous donner les explications que vous nous demandez.
D'un geste decourage, le caissier du _Credit mutuel_ branlait la tete.
--Crois-tu donc, repondit-il, que je ne l'ai pas deja interroge? C'est
en arrivant au bureau, ce matin, que j'ai trouve sa lettre. Aussitot,
j'ai couru chez lui, rue Vivienne. Il venait de sortir, et c'est
en vain que je suis alle le demander chez Jottras et au _Pilote
financier_. Ce n'est qu'a la Bourse, apres trois heures de courses,
que je l'ai rejoint. Mais je n'ai obtenu de lui que des reponses
evasives et des explications qui n'en sont pas. Parbleu! il n'a pas
manque de me dire que, s'il se retire, c'est qu'il est desespere des
rigueurs de Gilberte.
Mais ce n'est pas vrai, je le sais, j'en suis sur, je l'ai lu dans ses
yeux. Deux fois il a remue les levres comme pour tout avouer... et
puis, rien, il s'est tu. Et plus j'insistais, et plus il me semblait
mal a l'aise, embarrasse, inquiet, emu; plus il me faisait l'effet
d'un homme sous le coup de menaces qu'il n'ose pas braver...
Il dardait sur ses enfants un de ces regards obstines qui cherchent la
verite au fond des consciences.
--Si c'est vous qui l'avez eloigne, reprit-il, avouez-le moi
franchement, et je vous jure de ne pas vous adresser un reproche.
--Ce n'est pas nous.
--Vous ne l'avez pas menace?
--Non!
M. Favoral paraissait atterre.
--Vous me trompez sans doute, dit-il, et je le souhaite. Malheureux!
vous ne savez pas ce que peut vous couter cette rupture!
Et, au lieu de retourner a son bureau, il alla s'enfermer dans cette
petite piece qu'il appelait son cabinet de travail. Et il n'en sortit
qu'a cinq heures, tenant sous le bras une liasse enorme de papiers
et disant qu'il etait inutile de l'attendre pour diner, qu'il ne
rentrerait que fort avant dans la nuit, si meme il rentrait, force
qu'il allait etre de regagner sa journee perdue.
--Qu'a votre pere, mes pauvres enfants? s'ecria Mme F
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