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et se promenait en long et en large. Natasha l'accompagnait et lui
parlait avec vivacite et gaiete. Derigny parut surpris de l'agitation
visible de Romane et lui demanda s'il etait souffrant.
"Non, non, mon bon monsieur Derigny, repondit Natasha en riant; je
suis occupee a le calmer et a lui faire la morale. Figurez-vous que
M. Jackson, toujours si bon, si patient, s'est fache..., mais tout de
bon..., contre mes cousins Mitineka et Yegor, qui sautaient apres lui en
l'appelant Polonais. M. Jackson a pris cela comme une injure; et moi,
je lui dis que c'est tres mal, que les Polonais sont tres bons, tres
malheureux, qu'il ne faut pas les detester comme il fait, qu'il faut
meme les aimer; et lui, au lieu de m'ecouter, il a les yeux rouges comme
s'il voulait pleurer; il me serre la main a me briser les doigts...,
et tout cela par colere..., Tenez, regardez-le; voyez s'il a l'air
tranquille et bon comme d'habitude."
Derigny ne repondit pas; Romane se tut egalement; Natasha alla gronder
encore ses mechants cousins; pendant ce temps, Derigny et Romane avaient
disparu.
Mme Papofski entra:
Mitineka: "Non, maman, il est parti furieux; nous l'avons appele
Polonais, comme vous nous l'avez ordonne: il a pris cela pour une
injure; Il s'est fache, il nous a grondes; il a dit que nous etions des
menteurs, des mechants enfants, et il s'en est alle malgre Natasha."
Natasha: "Oui, ma tante; et j'ai eu beau lui dire que c'etait tres mal
de hair les Polonais comme il le faisait, et d'autres choses, tres
raisonnables, il n'a rien voulu ecouter, et il est parti tres en colere.
--Ah!" dit Mme Papofski.
Et, sans ajouter autre chose, elle quitta la chambre, etonnee et
desappointee.
"Il n'est pas Polonais? pensa-t-telle. Qu'est-il donc?"
Chez Mme Dabrovine, ou Romane trouva le general, il raconta, encore tout
emu, l'apostrophe des petits Papofski; et, lorsque le general et Mme
Dabrovine lui dirent qu'il avait tort de s'effrayer de propos d'enfants,
son agitation redoubla.
Romane: "Cher comte, chere madame, ces enfants n'etaient que l'echo
de leur mere; je le voyais a leur maniere de dire, a leur insistance
grossiere et malicieuse. Ce n'est pas moi seul qui suis en jeu; ce
serait vous, mes bienfaiteurs, mes amis les plus chers, vos fils, votre
fille, si bonne et si charmante; tous vous seriez enveloppes dans la
denonciation; car, vous savez... elle l'a dit... elle nous fera tous
enfermer, juger, envoyer aux mines, en Siber
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