atre bonds prodigieux de
rocher en rocher, glissa, tomba et roula au fond d'un trou heureusement
peu profond, mais bien garni de ronces et d'epines. Pour comble
d'infortune, un renard, refugie au fond de ce trou, se trouva trop serre
entre les ronces et le general, et voulut se frayer un passage aux
depens des chairs deja meurtries de son bourreau involontaire. Les dents
aigues du renard firent pousser au general des cris lamentables, Romane
revint sur ses pas en courant; Derigny s'etait deja elance dans le trou
pour aider le general a en sortir; ses mains rencontrerent les dents du
renard; ne sachant a quel animal il avait affaire, mais comprenant la
detresse du malheureux general, il enfonca son bras dans les epines,
saisit quelque chose qu'il tira a lui, malgre la resistance qu'on lui
opposait et, apres quelques efforts vigoureux, amena le renard. Le tuer
etait long et inutile; il le saisit a bras-le-corps et le lanca hors du
trou; l'animal disparut en une seconde, et Derigny put alors donner tous
ses soins au general. Il le releva et chercha a lui faire remonter le
cote le moins escarpe du trou; efforts inutiles; le general grimpait,
retombait, se hissait encore, mais sans jamais pouvoir atteindre la main
que lui tendait Romane. Derigny essaya de prendre le general sur son dos
et de le placer contre les parois du trou; mais il s'epuisa vainement:
les grosses jambes du general ne se pretaient pas a cette escalade, et
il fallut toute la vigueur de Derigny pour resister aux secousses que
lui donnaient les tentatives inutiles du general. Voyant que ses efforts
restaient sans succes, il se laissa glisser le long du dos de Derigny,
et dit d'un ton calme:
"Romane, mon enfant, je n'en peux plus; je reste ici; le renard y a
demeure, pourquoi n'y demeurerais-je pas? Seulement, comme je suis moins
sobre que le renard, je te demande de vouloir bien courir a l'hotel et
de me faire apporter et descendre dans ce trou un bon diner, du vin, un
matelas, un oreiller et une couverture, et autant pour Derigny, qui est
la cause de mon changement de domicile."
Derigny: "Mon general, je vais vous avoir un petit repas et les moyens
de revenir a l'hotel. Le prince Romane voudra bien vous tenir compagnie
en mon absence."
Le general: "Tu es fou, mon pauvre camarade de prison; comment
sortiras-tu d'ici?"
Derigny: "Ce ne sera pas difficile, mon general: dans une heure je suis
de retour."
Et Derigny, s'elancant de rocher en rocher, d'a
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