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beaucoup, et qui devint le confesseur et le directeur de toute le
famille; Natasha etait heureuse; elle chantait et riait du matin au
soir. Le prince Romane etait devenu un membre indispensable de la
famille. On voyait sans cesse les Moutier, soit chez eux, soit au
chateau.
XXIII
TOUT LE MONDE EST HEUREUX. CONCLUSION
L'annee suivante, au commencement de l'ete, Moutier vint annoncer un
matin qu'Elfy avait une belle petite fille. Le general en fut tres
content.
"C'est moi qui suis parrain, dit-il.
--Et moi, je serai marraine", dit Mme Dabrovine. Moutier remercia et
courut porter la bonne nouvelle a Elfy. La marraine donna a sa filleule
Marie une charmante et utile layette. Le parrain lui donna vingt mille
francs et une foule de presents pour le pere, la mere et l'enfant.
Peu de temps apres la ceremonie du bapteme, qui fut suivie d'un repas
excellent et d'une abondante distribution de dragees et d'objets de
fantaisie, le general appela Natasha.
"Mon enfant, lui dit-il, sais-tu que je suis vieux?"
Natasha: "Je le sais, grand-pere; mais votre sante est bonne, et vous
vivrez longtemps encore."
Le General: "Mon enfant, sais-tu que je serais bien heureux si Romane ne
nous quittait jamais?"
Natasha: "Et moi aussi, grand-pere, je voudrais qu'il restat toujours
avec nous."
Le General: "S'il nous quittait, ce serait bien triste!"
Natasha: "Oh oui! bien triste; c'est lui qui anime tout, qui dirige
tout; mes freres et moi, nous ne faisons rien sans le consulter."
Le General: "Tu l'aimes donc?"
Natasha: "Je crois bien, que je l'aime! Je l'aime autant que vous,
grand-pere."
Le general sourit, baisa le front de Natasha.
Le General: "Eh bien, mon enfant, il depend de toi de faire rester
Romane pres de nous toujours."
Natasha: "De moi? Dites vite, grand-pere; que faut-il-faire?"
Le General: "Une chose bien simple: devenir sa femme, pour qu'il
devienne le fils de ta mere et le mien!"
Natasha, riant: "Moi? devenir sa femme! Oh! grand-pere, vous plaisantez
sans doute! Il ne voudrait pas de moi, qui suis si jeune et si folle!"
Le General: "Tu vas avoir dix-huit ans dans six mois, Natasha, et lui en
a vingt-huit; ce n'est pas..."
Natasha: "Mais il a tant souffert, grand-pere! C'est comme s'il en avait
quarante. Non, non, il est trop raisonnable pour vouloir m'epouser."
Le General: "Crois-tu qu'il ne t'aime pas?"
Natasha: "Au contraire, grand-pere, il m'aime beaucoup! Je le vois et
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