uva une a une lieue de Loumigny; elle
fut mise en vente de la maniere la plus imprevue, par suite de la mort
subite du proprietaire, le baron de Crezusse, ex-banquier, fort riche,
qui venait de terminer l'ameublement de ce magnifique chateau pour
l'habiter et s'y reposer de ses fatigues. Elfy ecrivit au general pour
l'en informer, et profita de l'occasion pour lui renouveler mille
tendresses reconnaissantes dont la gaiete assaisonnait le sentiment.
Le general repondit: "Mon enfant, j'arrive jeudi; n'oubliez pas le diner
a quatre heures.
"Le general reconnaissant."
Effectivement, trois jours apres cette lettre laconique, une berline
et une caleche arriverent au grand galop de leurs huit chevaux et
s'arreterent devant l'auberge de l'Ange-gardien. Natasha sauta au bas de
la berline et se jeta au cou d'Elfy en l'appelant par son nom.
"Vous voyez, ma chere Elfy, que je vous connais, que je suis votre amie,
et que vous me devez un peu de l'amitie, que vous avez pour grand-pere."
Natasha tendit ensuite les deux mains a Moutier, qui s'inclina
profondement en les serrant, et qui s'elanca au secours du general, que
Romane ne parvenait pas a degager des coussins de la voiture. Le poignet
vigoureux de Moutier l'eut bientot enleve; il sauta presque a terre et
tomba, moitie par la secousse, moitie par affection, dans les bras de
Moutier, qui eut de la peine a ne pas toucher terre avec sa charge. Mais
il s'y attendait, il ne broncha pas, et il serra le general contre son
coeur avec des larmes dans les yeux. Le general aussi sentit les siens se
mouiller; il s'empara d'Elfy pour l'embrasser plus d'une fois. Elfy lui
baisait les mains, riait, pleurait tout a la fois. Mme Dabrovine et le
prince Romane furent presentes par le general.
"Ma petite Elfy, voici la fille de mon coeur et le fils de mes vieux
jours. Aimez-les comme vous m'aimez."
La profonde reverence d'Elfy fut interrompue par Mme Dabrovine, qui
embrassa tendrement cette jeune amie de son vieil oncle. Le prince
Romane lui serra la main avec effusion.
Moutier recut aussi des poignees de main affectueuses de Mme Dabrovine,
du prince Romane et d'Alexandre et Michel.
"Mon cher monsieur Moutier, dit Alexandre, vous nous raconterez bien en
detail comment vous avez trouve dans les bois le pauvre Jacques et son
frere.
Moutier: "Tres volontiers, messieurs; vous les aimerez davantage apres
ce recit; mon bon petit Jacques est le modele des freres et des fils:
ils sont
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