que notre pere l'empereur, le gouverneur et le
capitaine ispravnik [7]."
[Note 7: Espece de juge de paix, de commissaire de police, qui a des
pouvoirs tres etendus.]
La colere de Mme Papofski redoublait; elle ne voyait aucun moyen de se
faire obeir. Nikita sortit; Mashka s'esquiva; Mme Papofski resta seule
a ruminer son desappointement. Elle finit par se consoler a moitie en
songeant a l'abrock de cent roubles par tete qu'elle ferait payer a
ses six mille paysans de Gromiline et a tous les paysans de ses autres
proprietes nouvelles.
On lui prepara son dejeuner comme a l'ordinaire; quoique mecontente de
tout et de tout le monde, elle n'osa pas le temoigner, de peur que
les cuisiniers ne fissent comme les autres domestiques, et qu'elle ne
trouvat plus personne pour la servir.
Les enfants porterent le poids de sa colere; elle tira les cheveux, les
oreilles des plus petits, donna des soufflets et des coups d'ongles aux
plus grands, les gronda tous, sans oublier les bonnes, qui eurent aussi
leur part des arguments frappants de leur maitresse. Ainsi se passa
le premier jour de son entree en possession de Gromiline et de ses
dependances.
Les jours suivants, elle se promena dans ses bois, dans ses pres, dans
ses champs, en admira la beaute et l'etendue; marqua, dans sa pensee,
les arbres qu'elle voulait vendre et couper; parcourut les villages;
parla aux paysans avec une durete qui les fit fremir et qui leur fit
regretter d'autant plus leur ancien maitre; le bruit de la donation de
Gromiline a Mme Papofski s'etait repandu et avait jete la consternation
dans tous les esprits et le desespoir dans tous les coeurs. Elle leur
disait a tous que l'abrock serait decuple; qu'elle ne serait pas si
bete que son oncle, qui laissait ses paysans s'enrichir a ses depens.
Quelques-uns oserent lui faire quelques representations ou quelques
sollicitations; ceux-la furent designes pour etre fouettes le lendemain.
Mais, quand ils arriverent dans la salle de punition, leur staroste
[8], qui les avait accompagnes, produisit un papier qu'il avait recu du
capitaine ispravnik, et qui contenait la defense absolue, faite a Mme
Papofski, d'employer aucune punition corporelle contre les paysans du
general-comte Dourakine: ni fouet, ni baton, ni cachot, ni privation de
boisson et de nourriture, ni enfin aucune torture corporelle, sous peine
d'annuler tout ce que le comte avait concede a sa niece.
[Note 8: Ancien, nomme par les paysans pour fair
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