un abrock enorme: vous pouvez bien la doubler pour avoir
le plaisir de ne pas etre fouettee vous-meme tous les jours pendant deux
ou trois ans pour le moins."
Madame Papofski: "C'est abominable! c'est infame!"
Le capitaine ispravnik: "Abominable, infame, tant que vous voudrez, mais
vous ne sortirez pas d'ici avant de m'avoir souscrit une obligation de
deux cent mille roubles remboursables en deux ans, par moitie, au bout
de chaque annee... sinon, je fais atteler mon droschki et je vais
deposer ma plainte chez le prince gouverneur.
--Non, non, au nom de Dieu, non. Mon bon Yefime Vassilievitche, ayez
pitie de moi, s'ecria Mme Papofski en se jetant a genoux devant le
capitaine ispravnik triomphant; diminuez un peu; je vous donnerai cent
mille roubles..., cent vingt mille, ajouta-t-elle... Eh bien! cent
cinquante mille!"
Le capitaine ispravnik se leva.
"Adieu, Maria Petrovna; au revoir dans quelques heures; un officier de
police m'accompagnera avec deux soldats; on vous menera a la prison.
--Grace, grace!... dit Mme Papofski, se prosternant devant l'ispravnik.
Je vous donnerai... les deux cent mille roubles que vous exigez.
"Mettez-vous la, Maria Petrovna, dit le capitaine ispravnik montrant le
fauteuil qu'il venait de quitter; vous allez signer le papier que je
vais preparer."
Le capitaine ispravnik eut bientot fini l'acte, que signa la main
tremblante de Maria Petrovna.
"Partez a present, Maria Petrovna, et si vous dites un mot de ces
deux cent mille roubles, je vous fais enlever et disparaitre sans que
personne puisse jamais savoir ce que vous etes devenue; c'est alors que
vous feriez connaissance avec le fouet et avec la Siberie."
Le capitaine ispravnik la salua, ouvrit la porte; au moment de la
franchir, elle se retourna vers lui, le regarda avec colere.
"Miserable, dit-elle tout haut, sans voir quelques hommes ranges au fond
de la salle.
--Vous outragez l'autorite, Maria Petrovna! Ocipe, Feodore, prenez cette
femme et menez-la dans le salon prive."
Malgre sa resistance, Mme Papofski fut enlevee par ces hommes robustes
qu'elle n'avait pas apercus, et entrainee dans un salon petit, mais
d'apparence assez elegante. Quand elle fut au milieu de ce salon, elle
se sentit descendre par une trappe a peine assez large pour laisser
passer le bas de son corps; ses epaules arreterent la descente de la
trappe; terrifiee, ne sachant ce qui allait lui arriver, elle voulut
implorer la pitie des deux hommes
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