garcon."
Le general, qui n'oubliait jamais les repas, appela Derigny pour
commander un bon diner et du bon vin qu'on boirait a la sante de Romane
et de tous les Siberiens.
Pendant qu'on appretait le diner, Mme Dabrovine et Natasha allerent voir
les chambres ou l'on devait coucher; elles choisirent pour le general la
meilleure et la plus grande; une belle a cote, pour le prince Pajarski,
et quatre autres chambres pour elles-memes, pour les deux garcons,
pour Mme Derigny et Paul, et enfin pour Derigny et Jacques. Elles
s'occuperent avec Mme Derigny a faire les lits, a donner de l'air aux
chambres et a les rendre aussi confortables que possible.
Le diner fut excellent et fort gai; on but les santes des absents et des
presents. Le general calcula que le lendemain devait etre le jour de
la prise de possession de Gromiline par le prince Negrinski; ils
s'amuserent beaucoup du desappointement et de la colere que devait
eprouver Mme Papofski, Natasha seule la plaignit et trouva la punition
trop forte.
Le general: "Tu oublies donc, Natasha, qu'elle voulait nous denoncer
tous et nous faire tous envoyer en Siberie? Elle n'aura d'autre punition
que de retourner dans ses terres, qu'elle n'aurait pas du quitter, et de
ne pas avoir ma fortune, qu'elle ne devait pas avoir."
Natasha: "C'est vrai, mon oncle, mais nous sommes si heureux, tous
reunis, que cela fait peine de penser a son chagrin."
Le general: "Chagrin! dis donc fureur, rage. Elle n'a que ce qu'elle
merite, crois-moi. Prions pour elle, afin que Dieu ne lui envoie pas une
punition plus terrible que celle que je lui inflige."
XXI
L'ASCENSION
Le voyage continua gaiement; on passa quelques jours dans chaque ville
un peu importante qu'on devait traverser. A la fin de juin on arriva
aux eaux d'Ems; le general voulut absolument les faire prendre a Mme
Dabrovine, dont la sante etait loin d'etre satisfaisante. La jeunesse
fit des excursions amusantes dans les montagnes et dans les environs
d'Ems. Le general voulut un jour les accompagner pour escalader les
montagnes qui dominent la ville.
"Mon general, permettez-vous que je vous accompagne? dit Derigny. Le
general: "Pourquoi, mon ami? croyez-vous que je ne puisse pas marcher
seul?"
Derigny: "Pas du tout, mon general; mais si vous aviez besoin d'un aide
pour grimper de rocher en rocher, je serais la, tres heureux de vous
offrir mon bras.
Le general: "Vous croyez donc que je resterai perche sur un rocher, s
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