y s'inclina et obeit; ils fumerent avec delices.
"Tout de meme, mon general, dit Derigny en finissant son cigare, c'est
un fier service que vous m'avez rendu en m'obligeant a fumer.
J'avais si chaud, que j'aurais peut-etre attrape du mal si je ne m'etais
rechauffe la poitrine en fumant."
Le general: "Et moi donc! C'est grace a votre prevoyance, a votre
soin continuel de bien faire, que nous serons tous deux sur pied ces
jours-ci; j'avais aussi une chaleur a mourir, et j'etais si fatigue,
que je ne pouvais plus me soutenir; il est vrai que je vous ai
vigoureusement maintenu tout le temps de la montee!"
Derigny, souriant: "Je crois bien, mon general! je m'appuyais sur vous
de tout mon poids."
Un second cigare acheva de remonter nos fumeurs. Le general aurait bien
volontiers fait un petit somme, mais l'amour-propre le tint eveille. Il
eut fallu avouer que la montee etait trop forte pour lui, et il voulait
accompagner les jeunes gens dans d'autres expeditions difficiles. Au
moment ou le temps commencait a lui paraitre long, il entendit, puis il
vit accourir la bande joyeuse.
"Mon oncle, je vous apporte des rafraichissements, dit Natasha en
s'asseyant pres de lui et lui presentant une grande feuille remplie de
mures. Goutez, mon oncle, goutez comme c'est bon!"
Le general gouta, approuva le gout de sa niece, et continua a gouter,
jusqu'a ce qu'il eut tout mange.
Derigny s'etait leve en voyant arriver Natasha, le prince Romane et les
enfants. Jacques et Paul avaient aussi fait leur petite provision; ils
l'offrirent a leur pere, qui gouta ces mures et les trouva excellentes;
mais il n'en mangea qu'une dizaine.
"Encore, encore, papa! s'ecrierent ses enfants; c'est pour vous que nous
avons cueilli tout ca."
Derigny: "Non, mes chers amis; j'ai eu tres chaud, et je me ferais mal
si j'avalais tant de rafraichissants; gardez le reste pour votre diner
ou mangez-le, comme vous voudrez."
Jacques: "Nous le garderons pour maman."
Derigny:"C'est une bonne idee et qui lui fera plaisir."
Le general: "Derigny! Derigny! nous nous remettons en route pour
descendre dans la vallee. Prenez bien garde de tomber; tenez-vous aux
basques de mon habit comme en montant; je vous retiendrai si vous
glissez."
Derigny: "Tres bien, mon general! je vous remercie."
Natasha le regarda d'un air surpris.
--Derigny, reprimant un sourire: "C'est que, mademoiselle, le general
m'a aide a gravir la montagne; c'est pourquoi..."
Na
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