etourner chez vous, comme me l'a
prescrit le comte Dourakine."
Mme Papofski voulut parler; aucun son ne put sortir de ses levres
decolorees et tremblantes; elle devint pourpre; ses veines se gonflerent
d'une maniere effrayante; ses yeux semblaient vouloir sortir de leurs
orbites.
Le prince Negrinski la regardait avec surprise; il voulut la rassurer,
lui dire un mot de politesse, mais il n'eut pas le temps d'achever la
phrase commencee: elle poussa un cri terrible et tomba en convulsions
sur le parquet.
Le prince Negrinski la fit relever et reporter dans sa chambre, ou il la
fit remettre entre les mains de ses femmes, qu'on avait retrouvees dans
la cour avec les enfants. Il continua ses affaires avec le capitaine
ispravnik, qui s'inclinait bassement devant un general aide de camp de
l'empereur, et il acheva de s'installer paisiblement a Gromiline, a la
grande satisfaction des paysans, qui avaient eu pendant quelques jours
la crainte d'appartenir a Mme Papofski.
Il etait impossible de faire partir Mme Papofski dans l'etat ou elle
se trouvait; le prince donna des ordres pour qu'elle et ses enfants ne
manquassent de rien; au bout de quelques jours, le mal avait fait des
progres si rapides, que le medecin la declara a toute extremite; on fit
venir le pope [9] pour lui administrer les derniers sacrements; quelques
heures avant d'expirer, elle demanda a parler au prince Negrinski; elle
lui fit l'aveu de ses odieux projets par rapport a son oncle et a sa
soeur, confessa la corruption qu'elle avait cherche a exercer sur le
capitaine ispravnik, raconta la scene qui s'etait passee entre elle et
lui, et l'accusa d'avoir cause sa mort en lui otant, par ces emotions
multipliees, la force de supporter la derniere decouverte de la perfidie
de son oncle. Elle finit en demandant justice contre son bourreau.
[Note 9: Pretre russe.]
Le general prince Negrinski, indigne, lui promit toute satisfaction; il
se rendit immediatement chez le prince gouverneur, qui l'accompagna a
Gromiline: le gouverneur arriva assez a temps pour recevoir de la
bouche de la mourante la confirmation du recit du prince Negrinski.
Le capitaine ispravnik fut arrete, mis en prison; on trouva dans ses
papiers l'obligation de deux cent mille roubles; il fut condamne a etre
degrade et a passer dix ans dans les mines de Siberie.
Ainsi finit Mme Papofski; un acte de vengeance fut le dernier signal de
son existence.
Ses enfants furent ramenes chez eux, ou l
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