sa maitresse le plus vite possible,
parce qu'elle avait besoin de repos. Le cocher fouetta les chevaux, qui
partirent ventre a terre.
"Bonne journee! se dit le capitaine ispravnik. Deux cent mille roubles!
Ah! ah! ah! la Papofski! comme elle s'est laisse prendre! j'irai la
voir; si je pouvais lui extorquer encore quelque chose! Je verrai, je
verrai."
Le mouvement de la voiture, les douleurs qu'elle ressentait et le grand
air firent revenir Mme Papofski de son evanouissement. Elle se remit
avec peine sur la banquette de laquelle elle avait glisse, et se livra
aux plus altieres reflexions et aux plus terribles coleres jusqu'a son
retour a Gromiline. Elle se coucha en arrivant, pretextant une migraine
pour ne pas eveiller la curiosite des domestiques, et resta dans son lit
trois jours entiers. Le quatrieme jour, quand elle voulut se lever, un
mouvement extraordinaire se faisait entendre dans la maison.
XVII
PUNITION DES MECHANTS
Mme Papofski passa un peignoir, appela ses femmes, qui ne repondirent
pas a son appel, ses enfants, qui avaient egalement disparu, et se
decida a aller voir elle-meme quelle etait la cause du tumulte qu'elle
entendait de tous cotes. Dans le premier salon il n'y avait personne;
dans le second salon elle vit une multitude de caisses et de malles;
elle entra dans la salle de billard et vit, avec une surprise melee de
crainte, plusieurs hommes, parmi lesquels elle reconnut le capitaine
ispravnik; ils causaient avec animation. En reconnaissant le capitaine
ispravnik, elle ne put retenir un cri d'effroi; venait-il l'arreter
et l'emmener en prison? Chacun se retourna; un des hommes s'approcha
d'elle, la salua, et lui demanda si elle etait Maria Petrovna Papofski.
"Oui, repondit-elle d'une voix etouffee par l'emotion, je suis la niece
du general comte Dourakine.
--Je suis le general Negrinski, Maria Petrovna, et je viens, selon le
desir de votre oncle, prendre possession de la terre de Gromiline,
aujourd'hui 10 mai."
Madame Papofski, effrayee: "La terre de Gromiline!... Mais... c'est moi
qui..."
Le general Negrinski: "C'est moi qui ai achete la terre de Gromiline,
Maria Petrovna. Cette nouvelle parait vous surprendre; je l'ai achetee
il y a deux mois, et payee comptant, cinq millions; l'acte est entre les
mains du capitaine ispravnik, qui devait tenir l'affaire secrete jusqu'a
mon arrivee. Je viens aujourd'hui m'y installer, comme j'ai eu l'honneur
de vous le dire, et vous prier de r
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