qui l'avaient amenee, mais ils etaient
disparus; elle etait seule. A peine commencait-elle a s'inquieter de sa
position, qu'elle en comprit toute l'horreur, elle se sentit fouettee
comme elle aurait voulu voir fouetter ses paysans. Le supplice fut
court, mais terrible. La trappe remonta; la porte du petit salon
s'ouvrit.
"Vous pouvez sortir, Maria Petrovna", lui dit le capitaine ispravnik qui
entrait, en lui offrant le bras d'un air souriant.
Elle aurait bien voulu l'injurier, le souffleter, l'etrangler, mais elle
n'osa pas et se contenta de passer devant lui sans accepter son bras.
"Maria Petrovna, lui dit le capitaine ispravnik en l'arretant, j'ai eu
l'honneur de vous offrir mon bras; est-ce que vous voudriez recommencer
une querelle avec moi?... Non, n'est-ce pas?... Ne sommes-nous pas bons
amis? ajouta-t-il avec un sourire charmant. Allons, prenez mon bras:
j'aurai l'honneur de vous conduire jusqu'a votre voiture. Ne mettons pas
le public dans nos confidences; tout cela doit rester entre nous." Mme
Papofski, encore tremblante, fut obligee d'accepter le bras de son
ennemi, qui lui parla de la facon la plus gracieuse; elle ne lui
repondait pas.
Le capitaine ispravnik, bas et familierement: "Vous me direz bien
quelques paroles gracieuses, ma chere Maria Petrovna, devant tous ces
gens qui nous regardent. Un petit sourire, Maria Petrovna, un regard
aimable: sans quoi je devrai vous faire faire connaissance avec un
autre petit salon tres gentil, bien plus agreable que celui que vous
connaissez; on y reste plus longtemps... et on en sort toujours pour se
mettre au lit.
--J'ai hate de m'en retourner chez moi, Yefime Vassilievitche, repondit
Mme Papofski en le regardant avec le sourire qu'il reclamait; j'ai ete
deja bien indiscrete de vous faire une si longue visite.
--J'espere qu'elle vous a ete agreable, chere Maria Petrovna, comme a
moi.
--Certainement, Yefime Vassilievitche... (dites mon cher Yefime
Vassilievitche, lui dit a l'oreille le capitaine ispravnik), mon cher
Yefime Vassilievitche, repeta Mme Papofski. (Demandez-moi a venir vous
voir, continua son bourreau.) Venez donc me voir a Gromiline... (mon
cher, dit l'ispravnik), mon cher... Ah!... ah! Je meurs!"
Et Mme Papofski tomba dans les bras du capitaine ispravnik. L'effort
avait ete trop violent; elle perdit connaissance. Le capitaine ispravnik
la coucha dans sa voiture, fit semblant de la plaindre, de s'inquieter,
et ordonna au cocher de ramener
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