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assez calme en apparence, ne s'occupa plus de ses enfants, et ordonna au
cocher d'atteler quatre chevaux a la petite caleche de son oncle. Une
heure apres, elle roulait sur la route de Smolensk au grand galop des
chevaux.
XVI
VISITE QUI TOURNE MAL
Le capitaine ispravnik etait chez lui et ne fut pas surpris de la visite
de Mme Papofski, car il connaissait toute l'etendue de ses pouvoirs,
la terreur qu'il inspirait, et la soumission que chacun etait tenu
d'apporter a ses volontes et a ses ordres. Il etait tres bien avec le
gouverneur, qui le croyait un homme rigide, severe, mais honnete et
incorruptible, de sorte que les decisions de ce terrible capitaine
ispravnik etaient sans appel. C'etait un homme d'un aspect dur et
severe. Il etait grand, assez gros, roux de chevelure et rouge de peau;
son regard percant et ruse effrayait et repoussait. Ses manieres et son
langage mielleux augmentaient cette repulsion. Mme Papofski le voyait
pour la premiere fois. Il la fit entrer dans son cabinet.
"Yefime Vassilievitche, lui dit-elle en entrant, c'est a vous que mon
oncle a remis les papiers par lesquels il donne la liberte a tous ses
gens?" Le capitaine ispravnik: "Oui, Maria Petrovna, ils sont entre mes
mains."
Madame Papofski: "Et ne peuvent-ils pas en sortir?"
Le capitaine ispravnik: "Impossible, Maria Petrovna."
Madame Papofski: "C'est pourtant bien ennuyeux pour moi, Yefime
Vassilievitche; tous ces dvarovoi sont si impertinents, si mauvais,
qu'on ne peut pas s'en faire obeir quand ils se sentent libres."
Le capitaine ispravnik: "Je ne dis pas non, Maria Petrovna; mais, que
voulez-vous, la volonte de votre oncle est la."
Madame Papofski: "Mais... vous savez que mon oncle m'a donne toutes les
terres qu'il possede."
Le capitaine ispravnik: "C'est possible, Maria Petrovna, mais cela ne
change rien a la liberte des dvarovoi."
Madame Papofski: "Ces terres se montent a plusieurs millions! ...Il y a
six mille paysans!"
Le capitaine ispravnik s'inclina et garda le silence en regardant Mme
Papofski avec un sourire mechant.
Madame Papofski, apres un silence: "Je n'ai pas besoin de tout garder
pour moi; je donnerais bien quelques dizaines de mille francs pour avoir
ce papier de mon oncle et celui qui m'interdit de faire fouetter les
paysans."
Le capitaine ispravnik ne dit rien.
Madame Papofski, l'observant: "Je donnerais cinquante mille roubles pour
avoir ces actes."
Le capitaine ispravnik: "C'e
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