ceux-ci ecorchaient terriblement, ce qui excitait
la gaiete des maitres et des eleves. Mais ce fut bien pis quand Mme
Derigny se mit de la partie; Jacques, Paul, Mme Derigny rivalisaient a
qui prononcerait le mieux, et Alexandre et Michel se roulaient a force
de rire.
Derigny cherchait de temps en temps a les faire taire, mais les rires
redoublaient devant ses signes de detresse.
"Vous allez tous vous faire gronder par le general, leur dit Derigny."
Alexandre et Michel, se penchant a la glace ouverte: "Pas de danger! Mon
oncle aime la gaiete."
Jacques et Paul, se penchant a l'autre glace: "le general ne gronde
jamais quand on rit."
Madame Derigny, par la glace du fond: "Tu fais un croquemitaine de notre
bon general."
Toutes ces tetes aux trois glaces de la voiture parurent plaisantes a
Derigny, qui se mit a rire de son cote. En se rejetant dans la voiture,
les cinq tetes se cognerent; chacun fit: Ah! et se frotta le front, la
joue, le crane. Tous se regarderent et se mirent a rire de plus belle.
Les voitures gravissaient une colline dans un sable mouvant; les chevaux
marchaient au pas. Ils s'arreterent tout a fait; la portiere s'ouvrit,
Natasha et Romane y apparurent: le visage de Natasha brillait de gaiete
par avance. Romane souriait avec bienveillance.
Natasha: "Qu'est-ce qui vous amuse tant? Maman et mon oncle font
demander de quoi vous riez."
Alexandre: "Nous rions, parce que nous nous sommes tous cognes et que
nous nous sommes casse la tete."
Natasha, riant: "Casse la tete! et vous riez pour cela?... Et vous
aussi, ma bonne madame Derigny?"
Madame Derigny: "Oui, mademoiselle; mais avant il faut dire que nous
avions pris une lecon de chant qui nous avait fort egayes."
Natasha: "De chant? Qui donnait la lecon? qui la prenait?"
Madame Derigny: "Nos maitres etaient messieurs vos freres; les eleves
etaient Jacques, Paul et moi."
Natasha: "Oh! comme j'aurais voulu l'entendre! Que cela devait etre
amusant! Monsieur Jackson, allez, je vous prie, demander a maman que
j'aille avec eux."
Romane sourit et alla faire la commission.
Madame Dabrovine: "Mais, mon cher monsieur Jackson, ils seront trop
serres, et pourtant ils ne peuvent pas rester dans cette berline sans
Mme Derigny."
Jackson, souriant: "Mlle Natasha en a bien envie, madame; nous sommes
bien graves pour elle."
Madame Dabrovine: "Que faire, mon pere? Faut-il la laisser aller?" Le
general: "Laisse-la, laisse-la, cette pauvre p
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