aux tendresses hypocrites de sa soeur
son caractere a elle, sa maniere d'agir et sa durete, qui, croyait-elle,
trouvaient un echo dans le coeur et l'esprit de son oncle.
Pendant qu'elle cherchait a comprimer le bonheur qui remplissait son
ame, le general avait pris le bras de Mme Dabrovine et avait quitte le
salon, riant sous cape et se frottant les mains.
Quand il fut dans le salon de Mme Dabrovine et qu'il eut soigneusement
ferme la porte, il se laissa aller a une explosion de gaiete qui fut
partagee par sa niece. Ils riaient tous deux a l'envi l'un de l'autre
quand Romane entra: il s'arreta stupefait.
"Ferme la porte, ferme la porte", lui cria le general au milieu de ses
rires."
Romane: "Pardon de mon indiscretion, mon cher comte; mais de quoi et de
qui riez-vous ainsi?"
Le general: "De qui? de Maria Petrovna. De quoi? de ses esperances et de
sa joie."
Romane: "Pardonnez, mon cher comte, si je ne partage pas votre gaiete;
mais j'avoue que je n'eprouve que de la terreur devant les regards
mechants et triomphants que jetait sur vous, sur Mme Dabrovine et sur
moi cette niece avide et desappointee dans ses esperances."
Le general: "Fini, fini, mon cher! Elle aura Gromiline, mes terres, mes
maisons, mes millions, tout enfin."
La surprise de Romane augmenta.
Romane: "Mais... vous avez tout vendu... Comment pouvez-vous lui donner
ce que vous n'avez plus?"
Le general: "Et voila le beau de l'affaire! et voila pourquoi nous
rions, Natalie et moi. J'ai eu de l'esprit comme un ange. Raconte-lui
cela, ma fille, je ris trop, je ne peux pas."
Mme Dabrovine raconta a Romane ce qui s'etait passe entre le general et
Mme Papofski. Romane rit a son tour de la credulite de la dame et de la
presence d'esprit du general.
Romane: "Mon cher et respectable ami, j'espere et je crois que vous nous
avez tous sauves d'un plan infernal de denonciation qui aurait reussi,
je n'en doute pas."
Le general: "Et moi aussi, mon ami, j'en suis certain, a la facon dont
on traque tout ce qui est Polonais et catholique; et, sous ces deux
rapports, nous sommes tous vereux; n'est-ce pas, ma fille? ajouta le
general en deposant un baiser sur le front de Mme Dabrovine."
Madame Dabrovine: "Oh oui! mon pere! les souffrances de la malheureuse
Pologne me navrent; et le malheur a ouvert mon coeur aux consolations
chretiennes d'un bon et saint pretre catholique qui vivait dans mon
voisinage, et qui m'a appris a souffrir avec resignation
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