i, Jean, un
ouvrier, debout au milieu de ces enfants et de leur mere qui priaient
dans l'eglise; ...pour la premiere fois de ma vie, je me suis senti
l'importance d'un pere de famille et d'un citoyen.--Je ne vous
fatigue pas?
--Ho!...
--Enfin, nous sommes rentres chez nous et j'ai promis que je ne me
griserais plus, et que je ne battrais plus jamais ma femme. Mais il
y avait autre chose encore, dont ma bonne Francoise n'osait pas
me parler; nous etions maries a la ville, mais pas a l'eglise.
Maintenant, mon cher monsieur, vous en savez autant que moi.
J'etais ravi; j'avais les larmes aux yeux. Jean riait de plaisir,
un peu d'orgueil, et de l'air d'un homme qui est sur de se rendre
infiniment agreable. Il n'avait pas fini.
--Vous voyez donc bien, monsieur, que c'est vous qui avez fait mon
mariage, et que je devais vous inviter a venir a l'eglise demain.
--Ah! mon brave Jean, j'irai; j'irai avec plus de satisfaction et plus
d'empressement dix fois, mille fois, que si vous etiez un millionnaire
ou un prince.
--J'en etais bien sur. Mais je dois vous dire encore un petit mot.
Nous marier a l'eglise, c'etait la moindre chose; nous avons fait
mieux que cela. Moi, je n'aime pas les demi-mesures. Devinez-vous,
ah?...
--Oui, ah!
--Chut! Il ne faut pas toucher a ces affaires-la en riant; vous le
savez mieux que personne. Ma femme et moi, nous avons communie ce
matin, et bien communie tous deux, je vous le certifie. Ainsi, vous
aviez raison, monsieur; en me quittant sur la place Saint-Sulpice,
il y a cinq semaines, vous prophetisiez. Oh! j'entends encore votre
derniere parole: "Jean, je vous predis que vous serez un jour un
solide et fier chretien!" Je le suis! mes enfants le seront comme leur
pere!
Nous causons encore un moment, aussi attendris l'un que l'autre, puis
il me dit:
--Eh bien, monsieur, a demain donc.
Le lendemain, j'assistai a la messe du mariage. Il y avait peu de
monde: une dizaine de personnes et cinq ou six enfants. Je faisais,
avec tout le soin possible, honneur aux maries par l'aristocratie
de ma mise. Pour la premiere fois et la seule fois de ma vie, je
regrettai de n'avoir pas un ruban rouge et une croix a ma boutonniere!
Apres la messe, j'allai faire ma visite aux nouveaux epoux dans la
sacristie. On m'attendait evidemment. Je fus salue comme ne le fut
jamais un personnage d'importance: les enfants surtout me regardaient
d'un air de veneration tres amusant.
Mais voici Jean en
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