Lorsqu'il fut redevenu
plus calme, il se mit a parler, mais comme a lui-meme; quoique ses
yeux fussent grands ouverts, il avait l'air de ne voir personne.
"C'est etrange, disait-il, ce nom que je ne prononce plus... je le
trouve ici, sur cette image... et attache a mon lit... Quand ce pretre
a donne la communion... j'ai pu le regarder... j'ai fixe mes yeux sur
les siens...; ils ressemblent a ceux que j'ai tant fait pleurer!...
Hier, j'ai blaspheme contre lui... Lui et sa robe noire me faisaient
horreur!... Un tel changement s'est opere en moi pendant sa messe,
que, si je le revoyais a present, je le benirais."
--Me voici! me voici! s'ecrie l'abbe, me voici pres de vous... Je ne
sais pas qui vous etes, mais jamais, pour aucun malade apporte ici, je
n'ai ressenti au coeur autant de charite... Je donnerais ma vie pour
sauver votre ame.
--Oh! mon ame!... Si vous saviez combien je l'ai souillee, vous ne
penseriez pas a me sauver...
--Arretez! au nom du Sauveur Jesus, ne desesperez pas de la
misericorde divine.
Parlant ainsi, le jeune pretre etait tombe a genoux pres du lit,
tenant les mains de l'etranger dans les siennes et les arrosant de ses
pleurs.
Apres quelques instants, l'inconnu, qui ne retirait pas ses mains de
celles de l'aumonier et qui laissait couler d'abondantes larmes, dit
d'une voix plus calme:
--Voila plus de vingt-trois ans... a Nantes... que j'ai abandonne, que
j'ai condamne aux privations, au chagrin, a la misere peut-etre, ma
femme et mon fils...
--Quoi! s'ecria le pretre en se relevant et en se penchant sur
l'inconnu, vous avez une femme, un fils!... vous avez habite Nantes...
Ah! encore un mot, un seul mot, je vous en conjure; votre nom?
L'inconnu se nomme. Impossible de douter plus longtemps. L'abbe
Stanislas n'est plus debout, il est dans les bras, sur le sein de
son pere!... Les battements de leurs coeurs, leurs larmes de joie se
confondent.
Mais, il n'y avait pas de temps a perdre. L'abbe parle d'un confesseur
au pecheur repentant. "C'est vous que je choisis, repond celui-ci; je
veux vous declarer tous mes crimes et vous dire combien mon odieuse
conduite envers votre pieuse mere m'a rendu malheureux!"
Lorsque le pardon appele par son enfant descendit sur le coupable,
quelle ne fut pas la joie, l'indicible bonheur et du pere et du fils!
Le repentant pardonne respirait a l'aise, le poids de ses peches ne
l'oppressait plus; et le pretre qui avait enleve ce poids repetait
avec
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