ais sur ce visage en feu les progres du mal ou
cherchais a y demeler les esperances de la guerison.
Une idee m'avait saisi des le premier jour, idee si naturelle aux
imaginations catholiques, qu'il semble qu'elle soit la premiere a y
naitre et la derniere a s'en retirer, l'idee de convertir mon nouvel
ami et de guerir en meme temps son corps et son ame egalement malades.
Cette idee me poursuivait. Je ne pouvais m'empecher de penser que Dieu
n'avait pas permis, sans quelque dessein secret, qu'un innocent fut
accable de tant de malheurs, abreuve de tant d'injustices.
Un jour donc qu'Isaac s'etait endormi, je m'armai d'une sainte audace
et passai a son cou une petite medaille de la sainte Vierge. Deja
on avait place sous ses yeux, en face de son lit, un crucifix ou il
devait lire tout le resume de notre foi eloquente. La pauvre soeur
redoublait de soins. Elle avait compris mon idee de conversion, ou
plutot l'avait eue avant moi, mais elle eut craint de s'en attribuer
le moindre honneur.
Isaac fut enfin rendu a sa connaissance. C'etait un dimanche: les
eleves etaient a la messe et l'on entendait tres distinctement dans
l'infirmerie les chants de nos camarades et les harmonies de l'orgue.
La petite soeur et moi suivions notre messe aussi exactement que
possible et priions de grand coeur tous les deux pour notre cher
malade. J'avais coutume de reserver pour l'instant de l'elevation mes
plus vives prieres, et je crois bien que la soeur faisait de meme.
Ce jour-la nous fumes encore plus recueillis. Mais un petit bruit nous
vint arracher a ce recueillement; notre malade s'etait souleve, il
s'etait assis sur son lit et semblait ecouter avec ravissement un bel
_O Salutaris_, que nos enfants de choeur n'avaient jamais si bien
chante. Il souriait pour la premiere fois peut-etre de sa vie, et ce
sourire faisait du bien a voir, quoique brillant sur un visage eteint
et decharne. Nous n'osions nous lever, mais il nous apercut, porta les
mains a son front comme pour recueillir ses idees, reflechit quelques
instants, puis tout a coup s'ecria: "Mon frere, mon cher frere!" Et je
tombai dans ses bras.
Nous pleurions tous, et la soeur souriait a travers ses larmes. Mais
Isaac s'arreta tout a coup, et se mit a fixer le crucifix que nous
avions mis sous ses yeux. Il le regarda d'abord froidement, puis ses
yeux s'animerent, l'amour penetra dans son regard; il contempla alors
l'Homme-Dieu avec des yeux qui exprimerent toutes les nuances
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