s plus admirables de notre siecle. "Lorsque j'etais
tout enfant, ma mere se trouvait seule a Paris, sans argent, sans
etat, sans protection. Elle n'avait pas cette religion qui fait
supporter toutes les adversites que Dieu nous envoie, mais seulement
une foi tres vive en Marie. Des ma plus tendre enfance, elle me fit
dire cette petite priere que je n'ai lue dans aucun livre: "Mon Dieu,
je vous donne mon corps, mon esprit, mon coeur, ma vie; je me donne
toute a vous. Faites-moi la grace de mourir plutot que de vous
offenser mortellement. Ainsi soit-il."
"Vers l'age de cinq ans a peu pres, j'allais tres souvent avec une
vieille femme a la messe, et surtout adorer Jesus dans un sepulcre. Je
rentrais a la maison, malade d'avoir vu Notre Seigneur mort pour nous;
je pleurais. Ma mere grondait la vieille femme d'exciter a ce point ma
sensibilite, et meme elle ne voulut plus absolument que je retournasse
a l'eglise. J'etais tres fiere de m'appeler Marie. On me donnait le
nom de Josephine a la maison; mais quand on me demandait comment je
m'appelais: "Marie, repondais-je aussitot; j'ai le nom de la Vierge."
"Ma mere me mit au theatre a l'age de six ans pour apprendre a danser.
On la pria de me laisser jouer, elle se laissa tenter. Je jouai, j'eus
un tres grand succes. Cependant j'entendais les petites filles parler
de la premiere communion, ma mere ne m'en parlait pas; je voulais
absolument la faire, mais aucun pretre ne put m'y admettre parce que
j'etais au theatre.
"Je priais toujours, je travaillais sans cesse; en dehors du theatre,
je faisais de petits ouvrages a l'aiguille que je vendais. J'etais
entouree de vices dans les femmes meme que j'aimais le plus; je les
plaignais. Ma mere m'avait donne des principes que la misere la plus
affreuse n'avait pu detruire. J'etais mal vetue, je mangeais des
pommes de terre, mais j'etais heureuse avec ma mere. Je me disais:
"Dieu me voit, lui; il me trouve bien avec mon vilain chapeau; il ne
se moque pas de la pauvre Maria." Car on se moquait de moi; on me
disait: "Si vous vouliez, vous auriez des cachemires.--Oui, disais-je,
mais je ferais mourir ma mere de chagrin." J'etais une des premieres
du theatre, par consequent tres admiree. Si je vous dis cela, c'est
pour que vous compreniez bien la haute protection de ma celeste
patronne au milieu de ce gouffre.
"Ma mere tomba malade. J'etais obligee de passer toutes les nuits, je
n'avais pas de domestique; je jouais, je repetais dans
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