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Malaga, ne pouvant y entrer. Bientot le temps devint affreux, et, des
huit heures du matin, toute la population massee sur les quais, malgre
une pluie torrentielle, nous regardant chasser sur les ancres, nous
faisait comprendre quel peril nous menacait. Le pavillon fut mis en
berne, mais en vain: ni remorqueur, ni pilotes, pas meme la canonniere
de l'Etat n'osaient se risquer a nous secourir; Dieu seul pouvait nous
sauver. Impossible de se jeter a la mer: nous aurions ete brises sur
les rochers de la jetee en construction ou contre les recifs de la
cote.
Je pensai alors a ma mere, je me rappelai le projet de me faire
catholique que j'avais eu autrefois. Me jetant a genoux devant le
vieux christ en bronze dominant le compas de route, je priai avec foi
le Dieu des chretiens et Notre-Dame de Montenero, dont j'avais visite,
le 8 septembre dernier, le pelerinage celebre, en Toscane.
La journee se passa en craintes; la mer augmentait de furie, et le
fleuve, en face de nous, jetait devant le navire ses eaux jaunes
debordees. Le consul de France, qui avait tente l'impossible pour nous
faire secourir, nous ecrivit le soir au moyen d'une bouteille jetee
dans les flots: il nous avouait tristement que les autorites de Malaga
reconnaissaient l'impossibilite d'arriver jusqu'a nous, en face d'une
situation si perilleuse, et qu'on attendrait que la nuit fut achevee
pour prendre une decision. Pour moi, cette decision c'etait la mort
et la perte de mon navire! Je voulus mourir catholique romain; je
suppliai avec foi Notre-Dame de la Salette et je me sentis plein de
courage.
Mon equipage affole menacait de ne plus m'obeir; il voulait filer
les chaines et jeter le navire a la cote. Plein de confiance dans le
secours de Dieu et de la sainte Vierge, je resistai energiquement a
tous et la nuit arriva. Les ouvriers qui couvraient la cote et le quai
nous dirent, dans leur ame, adieu pour toujours... Je fis reposer
successivement mes hommes, et, pensant a la mort, je me tenais sur la
dunette en priant Dieu.
Cette nuit fut epouvantable; l'orage augmentant sans cesse de
violence, le navire se mit a talonner avec force, et a chaque instant
il etait menace de s'entr'ouvrir et de se briser sur la jetee en
construction. Les malheureux marins raidissaient a chaque instant les
chaines.
Le jour arriva enfin, mais pour nous montrer l'horreur de notre
situation. La foule garnissait les quais, assistant, emue et
impuissante, a ce terrible
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