ivrait presque tous les jours, l'avaient rendu
incurable. Cependant, ne pouvant se resoudre a mourir, il tenta un
dernier essai en faisant demander le docteur Descuret, qui jouissait
d'une grande reputation. Celui-ci, voyant le malade a la veille de
succomber, se contenta de lui prescrire quelques legers adoucissements
usites en pareille circonstance: il ne comptait plus le revoir.
Mais le lendemain, vers six heures du soir, on vint l'appeler encore;
cette fois ce n'etait point pour le vieillard, mais pour sa femme, que
le miserable avait presque tuee dans un de ses emportements.
Apres les premiers soins donnes a cette pauvre femme, le docteur
se disposait a se retirer sans avoir adresse une seule parole a
l'incorrigible mari. Celui-ci le remarqua, l'arreta par l'habit et lui
dit d'un air piteux: "Eh quoi! monsieur le docteur, vous vous en allez
sans daigner seulement me regarder?--Pourquoi m'inquieter d'un malade
qui fait l'impossible pour rendre mes soins inutiles? Au reste,
ajouta-t-il d'un ton severe, vous avez grossierement injurie vos
premiers medecins, dont l'un vous a abandonne parce que vous avez meme
ose lever la main sur lui. Ajoutez a ces ingratitudes la brutalite
dont vous venez d'user envers votre femme, et jugez si je ne dois pas
faire comme eux.--Vos reproches ne sont que trop justes, reprit
le malade d'un accent penetre; oui, je suis bien coupable d'avoir
maltraite ainsi ma femme; mais aussi, monsieur, si vous saviez ce
qu'elle exigeait de moi! Ne voulait-elle pas que je fisse appeler un
pretre, moi qui les ai toujours eus en horreur!--L'intention de votre
femme n'avait rien que de louable: en vous proposant de mettre en
paix votre conscience, elle vous donnait une nouvelle preuve de son
affection, et si cela etait entierement oppose a vos idees, vous
deviez vous borner a un simple refus et non la frapper.--Mais enfin,
monsieur le docteur, vous qui avez fait des etudes, que feriez-vous si
vous etiez a ma place et qu'on vous proposat pareille chose?--Moi,
je n'hesiterais pas a mettre en paix ma conscience, d'abord par
conviction, en second lieu, parce que le calme de l'ame contribue
puissamment a alleger nos souffrances et meme a dissiper la
maladie.--C'est bien singulier, qu'ayant fait des etudes, vous ayez
cette maniere de voir!--Au contraire, mes convictions religieuses sont
en grande partie le fruit de mes etudes."
Le vieillard etait vaincu par ces paroles pleines de raison et de
foi: une lumie
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