dans le village
qu'habitaient Irma et son pere, la jeune fille, sous les inspirations
de la grace, redoubla de ferveur et de supplications pour obtenir
la conversion de celui qu'elle aimait de l'amour le plus tendre, et
resolut de tenter un effort supreme. Elle consulta le missionnaire sur
les moyens a prendre pour convertir son vieux pere.
--Il faut prier, mon enfant, et prier sans cesse, lui dit le saint
pretre: ne desesperez pas, Dieu est plus fort que le diable. Voyons,
quelles sont les habitudes de Monsieur votre pere, quel est son genre
de vie?
--Il se leve tous les jours a neuf heures, repond la jeune fille,
dejeune a dix, se rend ensuite a un kiosque situe a un kilometre au
couchant du village, au pied d'une riante colline. C'est la qu'il
passe le reste de la journee, se promenant dans son jardin ou
s'enfermant dans son cabinet de travail.
--J'en sais assez, mon enfant. Pendant trois jours, a onze heures et
quart, vous reciterez un chapelet pour la conversion de votre pere.
Le lendemain, apres s'etre livre aux occupations de son ministere, le
saint pretre s'acheminait vers le kiosque. Quand il fut a quelques pas
du vieillard, apres l'avoir salue gracieusement, il s'arreta comme
pour lui parler.
--Que signifie ceci, monsieur l'abbe? dit Arthur etonne et presque
fache.
--Monsieur, je vous demande pardon si je vous ai offense, repond le
missionnaire; mais la vue de votre jardin m'a charme, je voulais vous
adresser mes felicitations.
Ce compliment adoucit le vieillard, qui lui dit:
--Si je ne suis pas trop indiscret, monsieur l'abbe, puis-je vous
inviter a m'accompagner a mon kiosque?
--Avec plaisir, repondit le pretre.
Et chemin faisant, en parlant de la pluie et du beau temps, on arriva
au kiosque. On entra dans le jardin, on admira les fleurs, les
ombrages, les bassins, les berceaux de verdure, les cascades, et on
penetra dans le pavillon. Le missionnaire, que les travaux de son
ministere appelaient au village, prend conge du vieillard; celui-ci,
charme de la simplicite, de l'esprit et des manieres polies de l'abbe,
lui fait promettre de se retrouver le lendemain a la meme heure dans
son pavillon.
Irma avait recite son premier chapelet, a l'heure prescrite, avec une
ferveur extraordinaire.
Le lendemain, le pretre etait fidele au rendez-vous. Et Irma recitait
son second chapelet avec la meme ferveur.
Arthur et l'abbe se promenerent dans le labyrinthe, sous les berceaux
de noisetiers
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