, mais non; c'est lui
qui m'aimait. J'aimais Marie, mais ce n'etait pas de ce saint amour
qu'elle a pour nous. Je ne sais pas ce que Dieu me reserve; mais s'il
veut me rendre heureuse, il peut m'envoyer tous les malheurs qu'il
voudra: je tacherai de les porter avec mon coeur qui est tout a lui.
Si Dieu me conserve cette foi qu'il m'a envoyee, je peux tout faire
pour lui. Aujourd'hui seulement je comprends les martyrs.
"Je vous demande pardon, mon Pere, de la longueur de mon recit; mais
je ne suis pas tres versee dans l'art d'ecrire. C'est pour vous
obeir que je vous donne ces details. En parlant de ma mere, je ne
m'arreterais point.
"Mon premier acte, en sortant du theatre, a ete une premiere
communion. Dieu veuille qu'en sortant de cette vie je sois agenouillee
a la sainte table! A Dieu, a Jesus, a Marie, a ces dames, a vous, mon
Pere, ma vie entiere. _Maria_."
La jeune actrice eut le courage de rompre completement avec le
theatre. Apres six annees d'epreuves et de privations, devenue mere de
famille, elle ecrivait au P. de Ravignan pour le remercier, et elle
ajoutait: "Oh! mon Pere, que de miseres! que de maladies! Mais Dieu
etait au fond de mon coeur. Que de joies ignorees! et c'est a vous que
je les dois.
"Ah! comme je plains ceux qui ne pensent jamais a Dieu! Dans l'amour
qu'il nous donne nous trouvons tout pour nos besoins d'ici-bas. Cette
vie de l'ame a des charmes qu'on ignore si completement dans le monde!
"Priez, mon Reverend Pere, pour que mon ame reste toujours attachee a
ce Dieu de misericorde qui a daigne me prendre si bas! Ah! que ma vie
passee m'a eclairee sur l'amour de Dieu pour ses creatures! Aussi, je
ne veux que ce mot dans mon coeur: Amour pour Jesus dans la joie et
la tristesse, amour pour Jesus!" Cette ame seraphique se consuma
rapidement dans un douloureux martyre: l'ancienne actrice mourut en
predestinee.
* * * * *
40.--LA ROSE BENITE.
Un dimanche vers les trois heures, rapporte un homme du monde, je
passais rue de Vaugirard, a Paris. Une pluie torrentielle inondait les
rues et faisait chercher un abri aux malheureux pietons. Je regardais
machinalement a droite et a gauche, lorsque la petite eglise des
Carmes m'apparut comme lieu de refuge. Arrive dans la cour, je vois
son interieur tout resplendissant de fleurs et de lumieres; une foule
immense la remplissait, et c'est a peine si je pus parvenir a me
placer sous son portique.
Quelle
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