maintenu la tranquillite publique; les tribunes s'etaient remplies sans
beaucoup de trouble, et depuis huit heures du matin jusqu'a midi, le
temps avait ete employe a chanter des airs patriotiques. D'un cote on
chantait _le Reveil du peuple_, de l'autre _la Marseillaise_, en
attendant que les deputes vinssent prendre leurs places. Enfin le
president se placa au fauteuil, au milieu des cris de _Vive la
convention!, vive la republique!_ Les prevenus vinrent s'asseoir a la
barre, et on attendit la discussion avec le plus grand silence.
Robert Lindet demanda aussitot la parole pour une motion d'ordre. On se
doutait que cet homme irreprochable, que l'on n'avait pas ose accuser
avec les autres membres du comite de salut public, allait defendre ses
anciens collegues. Il etait beau a lui de le faire, car il etait encore
plus etranger que Carnot et Prieur (de la Cote-d'Or) aux mesures
politiques de l'ancien comite de salut public. Il n'avait accepte le
soin des approvisionnemens et des transports qu'a la condition de rester
etranger a toutes les operations de ses collegues, de ne jamais
deliberer avec eux, et d'occuper meme avec ses bureaux un autre local.
Il avait refuse la solidarite avant le danger; le danger arrive, il
venait la reclamer genereusement. On pensait bien que Carnot et Prieur
(de la Cote-d'Or) allaient suivre cet exemple: aussi plusieurs voix de
la droite s'eleverent a la fois pour s'opposer a ce que Robert Lindet
fut entendu.--La parole est aux prevenus, s'ecrie-t-on; ils doivent la
prendre avant leurs accusateurs et leurs defenseurs. "Hier, dit Bourdon
(de l'Oise) on a trame un complot pour sauver les accuses; les bons
citoyens l'ont dejoue. Aujourd'hui on a recours a d'autres moyens, on
reveille les scrupules d'hommes honnetes, que l'accusation a separes de
leurs collegues; on veut les engager a s'associer aux coupables pour
retarder la justice par de nouveaux obstacles." Robert Lindet repondit
que c'etait tout le gouvernement qu'on voulait juger, qu'il en avait ete
membre, que par consequent il ne devait pas consentir a etre separe de
ses collegues, et qu'il demandait sa part de responsabilite. On ose
difficilement resister a un acte de courage et de generosite. Robert
Lindet obtint la parole; il retraca fort longuement les immenses travaux
du comite de salut public; il prouva son activite, sa prevoyance, ses
eminens services, et fit sentir que l'excitation de zele produite par la
lutte avait seule cause l
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