eraient assez en force a Toulon, ils souleveraient,
disaient-ils, les departemens, et s'avanceraient pour se joindre a leurs
freres du Nord. C'etait absolument le projet des federalistes en 93.
Leurs adversaires, soit royalistes, soit girondins, etaient aussi
devenus plus hardis depuis que le gouvernement, attaque en germinal,
avait donne le signal des persecutions. Maitres des administrations, ils
faisaient un terrible usage des decrets rendus contre les patriotes. Ils
les enfermaient comme complices de Robespierre, ou comme ayant manie les
deniers publics sans en avoir rendu compte; ils les desarmaient comme
ayant participe a la tyrannie abolie le 9 thermidor, ou bien enfin ils
les pourchassaient de lieu en lieu comme ayant quitte leurs communes.
C'etait dans le Midi surtout que les hostilites contre ces malheureux
patriotes etaient le plus actives, car la violence provoque toujours une
violence egale. Dans le departement du Rhone, la reaction se preparait
terrible. Les royalistes, obliges de fuir la cruelle energie de 93,
revenaient a travers la Suisse, passaient la frontiere, rentraient dans
Lyon avec de faux passeports, y parlaient du roi, de la religion, de la
prosperite passee, et se servaient du souvenir des mitraillades pour
ramener a la monarchie une cite toute republicaine. Ainsi, les
royalistes s'appuyaient a Lyon comme les patriotes a Toulon. On disait
Precy revenu et cache dans la ville, dont il avait, par sa vaillance,
cause tous les malheurs. Une foule d'emigres, accourus a Bale, a Berne,
a Lausanne, se montraient plus presomptueux que jamais. Ils parlaient de
leur rentree prochaine, ils disaient que leurs amis gouvernaient; que
bientot on allait remettre sur le trone le fils de Louis XVI, les
rappeler eux-memes, et leur rendre leurs biens; que du reste, excepte
quelques terroristes et quelques chefs militaires qu'il faudrait punir,
tout le monde contribuerait avec empressement a cette restauration. A
Lausanne, ou toute la jeunesse etait enthousiaste de la revolution
francaise, on les molestait et on les forcait a se taire. Ailleurs on
les laissait dire; on dedaignait leurs vanteries, auxquelles on etait
assez habitue depuis six ans; mais on se mefiait de quelques-uns d'entre
eux, qui etaient pensionnes par la police autrichienne pour epier dans
les auberges les propos imprudens des voyageurs. C'est encore de ce
cote, c'est-a-dire vers Lyon, que s'etaient formees des compagnies qui,
sous les noms de _com
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