se frappe plusieurs fois encore, au coeur,
au cou, au visage. Il transmet le couteau a Goujon, qui, d'une main
assuree, se porte un coup mortel, et tombe sans vie. Des mains de
Goujon, l'arme liberatrice passe a celles de Duquesnoy, Duroi, Bourbotte
et Soubrany. Malheureusement Duroi, Bourbotte, Soubrany, ne reussissent
pas a se porter des atteintes mortelles; ils sont traines tout sanglans
a l'echafaud. Soubrany, noye dans son sang, conservait neanmoins, malgre
ses douleurs, le calme et l'attitude fiere qu'on avait toujours
remarques en lui. Duroi etait desespere de s'etre manque: "Jouissez,
s'ecriait-il, jouissez de votre triomphe, messieurs les royalistes."
Bourbotte avait conserve toute la serenite de la jeunesse; il parlait
avec une imperturbable tranquillite au peuple. A l'instant ou il allait
recevoir le coup fatal, on s'apercut que le couteau n'avait pas ete
remonte; il fallut disposer l'instrument: il employa ce temps a proferer
encore quelques paroles. Il assurait que nul ne mourait plus devoue a
son pays, plus attache a son bonheur et a sa liberte. Il y avait peu de
spectateurs a cette execution: le temps du fanatisme politique etait
passe; on ne tuait plus avec cette fureur qui autrefois rendait
insensible. Tous les coeurs furent souleves en apprenant les details de
ce supplice, et les thermidoriens en recueillirent une honte meritee.
Ainsi, dans cette longue succession d'idees contraires, toutes eurent
leurs victimes; les idees meme de clemence, d'humanite, de
reconciliation, eurent leurs holocaustes; car, dans les revolutions,
aucune ne peut rester pure de sang humain.
Le parti montagnard se trouvait ainsi entierement detruit. Les patriotes
venaient d'etre vaincus a Toulon. Apres un combat assez sanglant, livre
sur la route de Marseille, ils avaient ete obliges de rendre les armes,
et de livrer la place sur laquelle ils esperaient s'appuyer pour
soulever la France. Ils n'etaient donc plus un obstacle, et, comme
d'usage, leur chute amena encore celle de quelques institutions
revolutionnaires. Le celebre tribunal, presque reduit, depuis la loi du
8 nivose, a un tribunal ordinaire, fut definitivement aboli. Tous les
accuses furent rendus aux tribunaux criminels jugeant d'apres la
procedure de 1791; les conspirateurs seuls devaient etre juges d'apres
la procedure du 8 nivose, et sans recours en cassation. Le mot
revolutionnaire, applique aux institutions et aux etablissemens, fut
supprime. Les gardes nationa
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