ient une importance qu'ils n'avaient pas, et ecrivaient a
l'etranger qu'ils avaient seduit les principaux chefs du gouvernement.
C'est avec ces mensonges qu'ils se procuraient de l'argent, et qu'ils
venaient d'obtenir quelques mille livres sterling de l'Angleterre. Il
est constant neanmoins que, s'ils n'avaient gagne ni Tallien, ni Hoche,
comme ils le disaient, ils avaient reussi pourtant aupres de quelques
conventionnels, deux ou trois, peut-etre. On nommait Rovere et Saladin,
deux fougueux revolutionnaires, devenus maintenant de fougueux
reacteurs. On croit aussi qu'ils avaient touche, par des moyens plus
delicats, quelques-uns de ces deputes d'opinion moyenne, qui se
sentaient quelque penchant pour une monarchie representative,
c'est-a-dire pour un Bourbon, soi-disant lie par des lois a l'anglaise.
A Pichegru, on avait offert un chateau, des canons et de l'argent; a
quelques legislateurs ou membres des comites, on avait pu dire: "La
France est trop grande pour etre republique; elle serait bien plus
heureuse avec un roi, des ministres responsables, des pairs hereditaires
et des deputes." Cette idee, sans etre suggeree, devait naturellement
venir a plus d'un personnage, surtout a ceux qui etaient propres a
remplir les fonctions de deputes ou de pairs hereditaires. On regardait
alors comme royalistes secrets MM. Lanjuinais et Boissy-d'Anglas, Henri
Lariviere, Lesage (d'Eure-et-Loir).
On voit que les moyens de l'agence n'etaient pas tres-puissans; mais ils
suffisaient pour troubler la tranquillite publique, pour inquieter les
esprits, pour rappeler surtout a la memoire des Francais, ces Bourbons,
les seuls ennemis qu'eut encore la republique, et que ses armes
n'eussent pu vaincre, car on ne detruit pas les souvenirs avec des
baionnettes.
Parmi les soixante-treize, il y avait plus d'un monarchien; mais en
general ils etaient republicains; les girondins l'etaient tous, ou
presque tous. Cependant les journaux de la contre-revolution les
louaient avec affectation, et avaient ainsi reussi a les rendre suspects
aux thermidoriens. Pour se defendre de ces eloges, les soixante-treize
et les vingt-deux protestaient de leur attachement a la republique; car
personne alors n'eut ose parler froidement de cette republique. Quelle
affreuse contradiction, en effet, si on ne l'eut pas aimee, que d'avoir
sacrifie tant de tresors, tant de sang a son etablissement! que d'avoir
immole des milliers de Francais soit dans la guerre civile, so
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