fut obligee de decreter que les bouchers patentes pourraient seuls
acheter des bestiaux; que les recoltes ne pourraient etre achetees avant
la moisson. Ainsi tout etait bouleverse; tous les individus, meme les
plus etrangers aux speculations de commerce, etaient a l'affut de chaque
variation de l'assignat pour faire subir la perte a autrui, et
recueillir eux-memes la plus-value d'une denree ou d'une marchandise.
On a vu qu'entre les deux projets de reduire l'assignat au cours, ou de
percevoir l'impot en nature, la convention avait prefere celui qui
consistait a vendre les biens sans encheres, et trois fois la valeur de
1790. C'etait, comme on a dit, le seul moyen de les vendre, car
l'enchere faisait toujours monter les biens a proportion de la baisse de
l'assignat, c'est-a-dire a un prix auquel le public ne pouvait pas
atteindre. Aussitot la loi rendue, la quantite des soumissions fut
extraordinaire. Des qu'on sut qu'il suffisait de se presenter le premier
pour ne payer les biens que trois fois la valeur de 1790, en assignats,
on accourut de toutes parts. Pour certains biens on vit jusqu'a
plusieurs centaines de soumissions; a Charenton, il en fut fait trois
cent soixante pour un domaine provenant des Peres de la Merci; il en
fut fait jusqu'a cinq cents pour un autre. On encombrait les hotels des
districts. De simples commis, des gens sans fortune, mais dans les mains
desquels se trouvaient momentanement des sommes d'assignats, couraient
soumissionner les biens. Comme ils n'etaient tenus de payer sur-le-champ
qu'un sixieme, et le reste dans plusieurs mois, ils achetaient avec des
sommes minimes des biens considerables, pour les revendre avec benefice
a ceux qui s'etaient moins hates. Grace a cet empressement, des domaines
que les administrateurs ne savaient pas etre devenus proprietes
nationales, etaient signales comme tels. Le plan de Bourdon (de l'Oise)
avait donc un plein succes, et on pouvait esperer que bientot une grande
partie des biens serait vendue, et que les assignats seraient ou retires
ou releves. Il est vrai que la republique faisait, sur ces ventes, des
pertes qui, a les calculer numeriquement, etaient considerables.
L'estimation de 1790, fondee sur le revenu apparent, etait souvent
inexacte, car les biens du clerge et tous ceux de l'ordre de Malte
etaient loues a tres bas prix; les fermiers payaient le surplus du prix
en pots-de-vin, qui s'elevaient souvent a quatre fois le prix du bail.
Une terre afferm
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