'on lui oppose,
et fait irruption dans l'assemblee. Un jeune depute, plein de courage et
de devouement, Feraud, recemment arrive de l'armee du Rhin, et courant
depuis quinze jours autour de Paris pour hater l'arrivage des
subsistances, vole au-devant de la foule, et la conjure de ne pas
penetrer plus avant. "Tuez-moi, s'ecrie-t-il en decouvrant sa poitrine;
vous n'entrerez qu'apres avoir passe sur mon corps." En effet, il se
couche a terre pour essayer de les arreter; mais ces furieux, sans
l'ecouter, passent sur son corps et courent vers le bureau. Il etait
trois heures. Des femmes ivres, des hommes armes de sabres, de piques,
de fusils, portant sur leurs chapeaux ces mots: _Du pain, la
constitution de 93_, remplissent la salle; les uns vont occuper les
banquettes inferieures, abandonnees par les deputes, les autres
remplissent le parquet, quelques-uns se placent devant le bureau, ou
montent par les petits escaliers qui conduisent au fauteuil du
president. Un jeune officier des sections, nomme Mally, place sur les
degres du bureau, arrache a l'un de ces hommes l'ecriteau qu'il portait
sur son chapeau. On tire aussitot sur lui, et il tombe blesse de
plusieurs coups de feu. Dans ce moment, toutes les baionnettes, toutes
les piques se dirigent sur le president; on enferme sa tete dans une
haie de fer. C'est Boissy-d'Anglas, qui a succede a Andre Dumont; il
demeure immobile et calme. Feraud, qui s'etait releve, accourt au pied
de la tribune, s'arrache les cheveux, se frappe la poitrine de douleur,
et, en voyant le danger du president, s'elance pour aller le couvrir de
son corps. L'un des hommes a piques veut le retenir par l'habit; un
officier, pour degager Feraud, assene un coup de poing a l'homme qui le
retenait; ce dernier repond au coup de poing par un coup de pistolet qui
atteint Feraud a l'epaule. L'infortune jeune homme tombe, on l'entraine,
on le foule aux pieds, on l'emporte hors de la salle, et on livre son
cadavre a la populace.
Boissy-d'Anglas demeure calme et impassible au milieu de cette
epouvantable scene; les baionnettes et les piques environnent encore sa
tete. Alors commence une scene de confusion impossible a decrire. Chacun
veut parler, et crie en vain pour se faire entendre. Les tambours
battent pour retablir le silence; mais la foule, s'amusant de ce chaos,
vocifere, frappe des pieds, trepigne de plaisir en voyant l'etat auquel
est reduite cette assemblee souveraine. Ce n'est point ainsi que s'etait
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