et qui pourra s'instruire encore
sous vous a l'art de conquerir le reste de l'Italie. "On pretend qu'a ce
propos le ministre Acton disait naguere au roi de Naples:--_Sire, les
Francais ont deja la moitie du pied dans la botte. Encore un coup, et
ils l'y feront entrer tout entier_.--Acton pourrait bien avoir raison:
qu'en dites-vous?
"Mais je soupconne encore de plus vastes combinaisons. Le theatre de
l'Italie est deja trop etroit pour la grandeur de vos vues. Je reve
souvent a vos correspondances avec les anciens peuples de la Grece, et
meme avec leurs pretres, avec leurs _papas_; car, en habile homme, vous
avez soin de ne pas vous brouiller avec les opinions religieuses.
"Une insurrection des Grecs contre les Turcs qui les oppriment est
un evenement tres-probable, si on vous laisse faire, et si
Aubert-Dubayet[125] vous seconde. L'insurrection peut se communiquer
facilement aux janissaires, et l'histoire ottomane est deja pleine des
revolutions tragiques dont ils furent les instruments.
[Note 125: Ambassadeur a Constantinople.]
"Ainsi, je ne serais point etonne que vous eussiez concu le projet hardi
de planter a la fois l'etendard francais sur les murs du Vatican et sur
les tours du Serail, dans la capitale des Etats chretiens et dans celle
de Mahomet. Ce serait, il faut en convenir, une etrange maniere de
renouveler l'empire d'Orient et celui d'Occident. Mais vous m'avez
accoutume aux prodiges, et ce qu'il y a de plus invraisemblable est
toujours ce qui s'execute le plus facilement depuis l'origine de la
Revolution francaise.
"Que dire alors du ministre ottoman et de celui de Sa Saintete, qui sont
recus le meme jour au Directoire, qui se visitent fraternellement, et
qui s'amusent a l'Opera francais, a nos jardins de Bagatelle et
de Tivoli, tandis qu'on s'occupe en secret du sort de Rome et de
Constantinople?
"En verite, brave General, vous devez bien rire quelquefois, du haut de
votre gloire, des cabinets de l'Europe et des dupes que vous faites.
"Vous preparez de memorables evenements a l'histoire. Il faut l'avouer,
si les rentes etaient payees, et si on avait de l'argent, rien ne serait
plus interessant au fond que d'assister aux grands spectacles que vous
allez donner au monde. L'imagination s'en accommode fort, si l'equite en
murmure un peu.
"Une seule chose m'embarrasse dans votre politique. Vous creez partout
des constitutions republicaines. Il me semble que Rome, dont vous
pretendez ressuscite
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