en ait l'idee.
--S'il ne l'a pas encore eue, cette idee, c'est ta faute; ce n'est pas
en etant ce que tu es avec lui que tu peux echauffer sa froideur. Je
t'avais dit qu'il etait l'orgueil meme et que c'etait par la qu'il
fallait le prendre. L'as-tu fait? Des compliments, les eloges les plus
exageres, il les boit avec beatitude: lui en as-tu jamais fait?
--Cela m'ennuie.
--Et tu t'imagines qu'il n'y a pas d'ennuis a supporter pour devenir
princesse, quand on est... ce que nous sommes; tu t'imagines qu'il n'y
a pas de peine a prendre, pas de fatigues a s'imposer, pas de degouts a
avaler en souriant; tu t'imagines que tu n'as qu'a te montrer dans la
gloire de ta beaute; eh bien! si belle que tu sois, tu n'arriverais
jamais a un grand mariage si je n'etais pas pres de toi. Tu peux le
preparer par ta beaute, cela est vrai; mais le poursuivre, le faire
reussir, pour cela ta beaute ne suffit pas, il faut... ce que tu n'as
pas et ce que j'ai, moi.
--Et cependant ni la beaute, ni... ce que tu as n'ont encore decide
Savine.
--Il se decidera ou plutot on le decidera.
--Qui donc?
--Le duc de Naurouse qui te fera princesse.
--J'aimerais mieux qu'il me fit duchesse.
--Ne dis pas de niaiseries; explique-moi plutot pourquoi j'ai eu peur
que tu n'aies froid dans le chateau d'Eberstein, qui n'est pas glacial?
--Je te le demande.
--Explique-moi plutot pourquoi j'ai eu l'idee de te faire faire une
promenade en bateau?
--Pour rester seule avec le prince.
Madame de Barizel se mit a rire:
--J'ai eu peur que tu n'aies froid pour te menager un tete-a-tete avec
le duc de Naurouse, je t'ai fait faire une promenade en bateau pour
continuer ce tete-a-tete, ce qui deux fois a rendu le prince furieux.
C'est en l'eperonnant ainsi que nous le ferons avancer malgre lui. Et
c'est a cela que le duc de Naurouse nous servira.
--Pauvre duc de Naurouse!
--Vas-tu pas le plaindre plutot; il sera bien heureux, au contraire;
sans compter qu'il aura le plaisir de nous rendre un fameux service.
Mais ce qui serait tout a fait aimable de sa part, ce serait d'etre en
situation de fortune d'inspirer des craintes reelles a Savine et d'etre,
comme mari possible, un rival redoutable. C'est ce qu'il me faut savoir
et ce que je saurai demain par Leplaquet ou, en tout cas, apres-demain
par M. Dayelle, que j'attends. Maintenant, va dormir, car je crois bien
que Coralie ne rentrera pas. Reve du duc de Naurouse, si tu veux, de son
grand ai
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