ue la roue
du jupon etait dechiree; ces bas avaient des trous; ces jupons n'avaient
pas de cordons; les boutons de ces cols etaient arraches.
Madame de Barizel ne parut pas surprise de ce desordre; mais Corysandre
haussa les epaules avec un mouvement d'ennui et de degout.
--Elles n'ont pas seulement pu faire les chambres, dit-elle.
Madame de Barizel ne repondit rien et parut meme ne pas entendre.
--Cela est insupportable, continua Corysandre, qui, a peu pres muette
tant qu'avait dure la promenade, avait retrouve la parole en entrant
chez elle et s'en servait pour se plaindre, qui va faire mon lit?
--Tu te coucheras sans qu'il soit fait; pour une fois.
--Si c'etait la premiere; au reste, elles ont bien raison de ne pas se
gener, tu leur passes tout.
--Couche-toi, dit-elle a sa fille, j'ai a te parler.
--Il faut au moins que j'arrange un peu mon lit?
--Tu es devenue bien difficile depuis quelque temps, bien bourgeoise.
--Justement c'est le mot; c'est precisement la vie bourgeoise que je
voudrais, un peu d'ordre, de regularite, de proprete, car je suis lasse
et ecoeuree a la fin de tout ce gachis. Ne pourrions-nous donc pas avoir
des domestiques comme tout le monde, une maison comme tout le monde, une
existence comme tout le monde?
Tout en parlant elle avait defait son chapeau et sa robe et les avait
poses ou elle avait pu et comme elle avait pu; puis, les bras nus, les
epaules decouvertes, elle avait commence a arranger les draps de
son lit; mais elle etait malhabile dans ce travail qu'elle essayait
manifestement pour la premiere fois.
--Faut-il tant de ceremonie pour se mettre au lit? dit madame de Barizel
en haussant les epaules sans se deranger pour venir en aide a sa fille;
depeche-toi un peu, je te prie; ou si tu ne veux pas te coucher, je vais
me coucher, moi, et tu viendras dans ma chambre.
La mere n'avait pas les memes exigences que la fille: elle ne s'inquieta
pas de son lit, et sans se donner la peine de l'arranger, elle se
deshabilla, laissant tomber ca et la ses vetements, sans daigner se
baisser pour les ramasser. Ce serait l'affaire du lendemain; pour le
moment, elle etait fatiguee et voulait se mettre au lit.
Il arrivait bien souvent que, lorsqu'on les rencontrait ensemble, sans
savoir qui elles etaient, on ne voulait pas croire qu'elles fussent la
mere et la fille; si ceux qui pensaient ainsi avaient pu voir madame de
Barizel proceder a sa toilette de nuit ou plutot se debarras
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