odeur chaude qui, melee a celle de la
graisse et de la vaisselle, troublait le coeur et le soulevait. On eut
sans doute parcouru toutes les maisons de Bade sans trouver une cuisine
aussi sale, aussi pleine de gachis et de desordre que celle-la.
Elles n'y resterent point longtemps: Madame de Barizel avait pris la
lampe d'une main, et de l'autre, relevant la traine de sa robe, tandis
que Corysandre retroussait la sienne a deux mains comme pour traverser
un ruisseau, elles etaient passees dans le vestibule; mais la il n'y
avait point de bougies sur la table ou elles auraient du se trouver, et
il fallut aller dans le salon chercher des flambeaux.
Nulle part un salon ne ressemble a une cuisine; mais nulle part aussi on
n'aurait trouve un contraste aussi frappant, aussi extraordinaire entre
ces deux pieces d'une meme maison que chez madame de Barizel. Autant
la cuisine etait ignoble, autant le salon etait coquettement arrange,
dispose pour la joie des yeux, avec des fleurs partout: dans le foyer
de la cheminee, sur les tables et les consoles, dans les embrasures des
fenetres, et ces fleurs toutes fraiches, enlevees de la serre ou coupees
le matin, versaient dans l'air leurs parfums qui, dans cette piece
fermee, s'etaient concentres.
Le flambeau a la main, elles monterent au premier etage ou se trouvaient
leurs chambres, celle de Corysandre tout a l'extremite et separee de
celle de sa mere, qu'il fallait traverser pour y acceder, par un cabinet
de toilette.
Ces deux chambres, ainsi que le cabinet, presentaient un desordre qui
egalait celui de la cuisine. Les lits n'etaient pas faits, les cuvettes
n'etaient pas videes; sur les chaises et les fauteuils trainaient ca
et la, entasses dans une etrange confusion, des robes, des jupons, des
vetements, des bas, des cols, des bottines, tandis que les armoires et
des malles ouvertes montraient le linge deplie pele-mele comme s'il
avait ete mis au pillage par des voleurs qui auraient voulu faire un
choix.
Cependant il n'y avait pas besoin d'etre un habile observateur pour
comprendre que tout cela n'etait point l'ouvrage d'un voleur, mais qu'il
etait tout simplement celui des habitants de cet appartement qui, en
s'habillant le matin, avaient fouille dans ces armoires pour y trouver
du linge en bon etat et qui avaient tout bouleverse, parce que les
premieres pieces qu'ils avaient atteintes dans le tas manquaient l'une
de ceci, l'autre de cela; cette robe avait ete rejetee parce q
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