coeur est un champ uni, sans croix ni pierres,
Et que l'aveugle Mort de diverses poussieres
Remplit confusement.
D'autres, moins oublieux, ont des caves funebres
Ou sont ranges leurs morts, comme celles des Guebres
Ou des Egyptiens;
Tout autour de leur coeur sont debout les momies,
Et l'on y reconnait les figures blemies
De leurs amours anciens.
Dans un pur souvenir chastement embaumee
Ils gardent au fond d'eux l'ame qu'ils ont aimee;
Triste et charmant tresor!
La mort habite en eux au milieu de la vie;
Ils s'en vont poursuivant la chere ombre ravie
Qui leur sourit encor.
Ou ne trouve-t-on pas, en fouillant, un squelette?
Quel foyer reunit la famille complete
En cercle chaque soir?
Et quel seuil, si riant et si beau qu'il puisse etre,
Pour ne pas revenir n'a vu sortir le maitre
Avec un manteau noir?
Cette petite fleur, qui, toute rejouie,
Fait baiser au soleil sa bouche epanouie,
Est fille de la mort.
En plongeant sous le sol, peut-etre sa racine,
Dans quelque cendre chere a pris l'odeur divine
Qui vous charme si fort.
O fiances d'hier, encore amants, l'alcove
Ou nichent vos amours, a quelque vieillard chauve
A servi comme a vous;
Avant vos doux soupirs elle a redit son rale,
Et son souvenir mele une odeur sepulcrale
A vos parfums d'epoux!
Ou donc poser le pied qu'on ne foule une tombe?
Ah! lorsque l'on prendrait son aile a la colombe,
Ses pieds au daim leger;
Qu'on irait demander au poisson sa nageoire,
On trouvera partout l'hotesse blanche et noire
Prete a vous heberger.
Cessez donc, cessez donc, o vous, les jeunes meres
Bercant vos fils aux bras des riantes chimeres,
De leur rever un sort;
Filez-leur un suaire avec le lin des langes.
Vos fils, fussent-ils purs et beaux comme les anges,
Sont condamnes a mort!
V.
A travers les soupirs les plaintes et le rale
Poursuivons jusqu'au bout la funebre spirale
De ses detours maudits.
Notre guide n'est pas Virgile le poete,
La Beatrix vers nous ne penche pas la tete
Du fond du paradis.
Pour guide nous avons une vierge au teint pale
Qui jamais ne recut le baiser d'or du hale
Des levres du soleil.
Sa joue est sans couleur et sa bouche bleuatre,
Le bouton de sa gorge est blanc comme l'albatre
Au lieu d'etre vermeil.
Un souffle fait plier sa taille delicate,
Ses bras, plus transpare
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