front d'une pierre inconnue, abandonne sa tache, et remonte
vers les cieux. Eh bien, je me presente pour defendre l'homme, cette fois;
moi, le contempteur de toutes les vertus; moi, celui que n'a pu oublier le
Createur, depuis le jour glorieux ou, renversant de leur socle les annales
du ciel, ou, par je ne sais quel tripotage infame, etaient consignees _sa_
puissance et _son_ eternite, j'appliquai mes quatre cents ventouses sur le
dessous de son aisselle, et lui fis pousser des cris terribles ... Ils se
changerent en viperes, en sortant par sa bouche, et allerent se cacher dans
les broussailles, les murailles en ruine, aux aguets le jour, aux aguets
la nuit. Ces cris, devenus rampants, et doues d'anneaux innombrables, avec
une tete petite et aplatie, des yeux perfides, ont jure d'etre en arret
devant l'innocence humaine; et, quand celle-ci se promene dans les
enchevetrements des maquis, ou au revers des talus ou sur les sables
des dunes, elle ne tarde pas a changer d'idee. Si, cependant, il en est
temps encore; car, des fois, l'homme apercoit le poison s'introduire
dans les veines de sa jambe, par une morsure presque imperceptible,
avant qu'il ait eu le temps de rebrousser chemin, et de gagner le large.
C'est ainsi que le Createur, conservant un sang-froid admirable, jusque
dans les souffrances les plus atroces, sait retirer, de leur propre
sein, des germes nuisibles aux habitants de la terre. Quel ne fut pas
son etonnement, quand il vit Maldoror, change en poulpe, avancer contre
son corps ses huit pattes monstrueuses, dont chacune, laniere solide,
aurait pu embrasser facilement la circonference d'une planete! Pris au
depourvu, il se debattit, quelques instants, contre cette etreinte
visqueuse, qui se resserrait de plus en plus ... je craignais quelque
mauvais coup de sa part; apres m'etre nourri abondamment des globules de
ce sang sacre, je me detachai brusquement de son corps majestueux, et je
me cachai dans une caverne, qui, depuis lors, resta ma demeure. Apres
des recherches infructueuses, il ne put m'y trouver. Il y a longtemps de
ca; mais, je crois que maintenant il sait ou est ma demeure; il se garde
d'y rentrer; nous vivons, tous les deux, comme deux monarques voisins,
qui connaissent leurs forces respectives, ne peuvent se vaincre l'un
l'autre, et sont fatigues des batailles inutiles du passe. Il me craint,
et je le crains; chacun, sans etre vaincu, a eprouve les rudes coups
de son adversaire, et nous en restons l
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