s exhalaisons de
mon cadavre (je n'ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment?
Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris residence et,
quand l'un d'eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu'il
ne s'en echappe un, et ne vienne gratter, avec sa bouche, le dedans de
votre oreille: il serait ensuite capable d'entrer dans votre cerveau.
Sous mon aisselle droite, il y a un cameleon qui leur fait une chasse
perpetuelle, afin de ne pas mourir de faim: il faut que chacun vive.
Mais quand un parti dejoue completement les ruses de l'autre, ils ne
trouvent rien de mieux que de ne pas se gener, et sucent la graisse
delicate qui couvre mes cotes: j'y suis habitue. Une vipere mechante
a devore ma verge et a pris sa place: elle m'a rendu eunuque, cette
infame. Oh! si j'avais pu me defendre avec mes bras paralyses; mais, je
crois plutot qu'ils se sont changes en buches. Quoi qu'il en soit, il
importe de constater que le sang ne vient plus y promener sa rougeur.
Deux petits herissons, qui ne croissent plus, ont jete a un chien, qui
n'a pas refuse, l'interieur de mes testicules: l'epiderme soigneusement
lave, ils ont loge dedans. L'anus a ete intercepte par un crabe;
encourage par mon inertie, il garde l'entree avec ses pinces, et me fait
beaucoup de mal! Deux meduses ont franchi les mers, immediatement
allechees par un espoir qui ne fut pas trompe. Elles ont regarde avec
attention les deux parties charnues qui forment le derriere humain, et,
se cramponnant a leur galbe convexe, elles les ont tellement ecrasees
par une pression constante, que les deux morceaux de chair ont disparu,
tandis qu'il est reste deux monstres, sortis du royaume de la viscosite,
egaux par la couleur, la forme et la ferocite. Ne parlez pas de ma
colonne vertebrale, puisque c'est un glaive. Oui, oui ... je n'y faisais
pas attention ... votre demande est juste. Vous desirez savoir, n'est-ce
pas, comment il se trouve implante verticalement dans mes reins?
Moi-meme, je ne me le rappelle pas tres clairement; cependant, si je me
decide a prendre pour un souvenir ce qui n'est peut-etre qu'un reve,
sachez que l'homme, quand il a su que j'avais fait voeu de vivre avec
la maladie et l'immobilite jusqu'a ce que j'eusse vaincu le Createur,
marcha, derriere moi, sur la pointe des pieds, mais, non pas si
doucement, que je ne l'entendisse. Je ne percus plus rien, pendant un
instant qui ne fut pas long. Ce poignard aigu s'enfonca jusqu'au manche,
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