ces yeux ne t'appartiennent pas ... ou les as-tu pris? Un
jour, je vis passer devant moi une femme blonde; elle les avait pareils
aux tiens: tu les lui as arraches. Je vois que tu veux faire croire a ta
beaute; mais, personne ne s'y trompe; et moi, moins qu'un autre. Je te
le dis, afin que tu ne me prennes pas pour un sot. Toute une serie
d'oiseaux rapaces, amateurs de la viande d'autrui et defenseurs de
l'utilite de la poursuite, beaux comme des squelettes qui effeuillent
des panoccos de l'Arkansas, voltigent autour de ton front, comme des
serviteurs soumis et agrees. Mais, est-ce un front? Il n'est pas
difficile de mettre beaucoup d'hesitation a le croire. Il est si bas,
qu'il est impossible de verifier les preuves, numeriquement exigues, de
son existence equivoque. Ce n'est pas pour m'amuser que je te dis cela.
Peut-etre que tu n'as pas de front, toi, qui promenes, sur la muraille,
comme le symbole mal reflechi d'une danse fantastique, le fievreux
ballottement de tes vertebres lombaires. Qui donc alors t'a scalpe? si
c'est un etre humain, parce que tu l'as enferme, pendant vingt ans, dans
une prison, et qui s'est echappe pour preparer une vengeance digne de
ses represailles, il a fait comme il devait, et je l'applaudis;
seulement, il y a un seulement, il ne fut pas assez severe. Maintenant,
tu ressembles a un Peau-Rouge prisonnier, du moins (notons-le
prealablement) par le manque expressif de chevelure. Non pas qu'elle ne
puisse repousser, puisque les physiologistes ont decouvert que meme les
cerveaux enleves reparaissent a la longue, chez les animaux; mais, ma
pensee, s'arretant a une simple constatation, qui n'est pas depourvue,
d'apres le peu que j'en apercois, d'une volupte enorme, ne va pas, meme
dans ses consequences les plus hardies, jusqu'aux frontieres d'un voeu
pour ta guerison, et reste, au contraire, fondee, par la mise en oeuvre
de sa neutralite plus que suspecte, a regarder (ou du moins a
souhaiter), comme le presage de malheurs plus grands, ce qui ne peut
etre pour toi qu'une privation momentanee de la peau qui recouvre le
dessus de ta tete. J'espere que tu m'as compris. Et meme, si le hasard
te permettait, par un miracle absurde, mais non pas, quelquefois,
raisonnable, de retrouver cette peau precieuse qu'a gardee la religieuse
vigilance de ton ennemi, comme le souvenir enivrant de sa victoire, il
est presque extremement possible que, quand meme on n'aurait etudie la
loi des probabilites que sous le ra
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