de la race feline attend son adversaire avec courage, et
dispute cherement sa vie. Demain quelque chiffonnier achetera une peau
electrisable. Que ne fuyait-il donc? C'etait si facile. Mais, dans le
cas qui nous preoccupe actuellement. Mervyn complique encore le danger
par sa propre ignorance. Il a comme quelques lueurs, excessivement
rares, il est vrai, dont je ne m'arreterai pas a demontrer le vague qui
les recouvre; cependant, il lui est impossible de deviner la realite. Il
n'est pas prophete, je ne dis pas le contraire, et il ne se reconnait
pas la faculte de l'etre. Arrive sur la grande artere, il tourne a
droite et traverse le boulevard Poissonniere et le boulevard
Bonne-Nouvelle. A ce point de son chemin, il s'avance dans la rue du
Faubourg-Saint-Denis, laisse derriere lui l'embarcadere du chemin de fer
de Strasbourg, et s'arrete devant un portail eleve, avant d'avoir
atteint la superposition perpendiculaire de la rue Lafayette. Puisque
vous me conseillez de terminer en cet endroit la premiere strophe, je
veux bien, pour cette fois, obtemperer a votre desir. Savez-vous que,
lorsque je songe a l'anneau de fer cache sous la pierre par la main d'un
maniaque, un invincible frisson me passe par les cheveux?
II
Il tire le bouton de cuivre, et le portail de l'hotel moderne tourne sur
ses gonds. Il arpente la cour, parsemee de sable fin, et franchit les
huit degres du perron. Les deux statues, placees a droite et a gauche
comme les gardiennes de l'aristocratique villa, ne lui barrent pas le
passage. Celui qui a tout renie, pere, mere, Providence, amour, ideal,
afin de ne plus penser qu'a lui seul, s'est bien garde de ne pas suivre
les pas qui precedaient. Il l'a vu entrer dans un spacieux salon du
rez-de-chaussee, aux boiseries de cornaline. Le fils de famille se jette
sur un sofa, et l'emotion l'empeche de parler. Sa mere, a la robe longue
et trainante, s'empresse autour de lui, et l'entoure de ses bras. Ses
freres, moins ages que lui, se groupent autour du meuble, charge d'un
fardeau; ils ne connaissent pas la vie d'une maniere suffisante, pour se
faire une idee nette de la scene qui se passe. Enfin, le pere eleve sa
canne, et abaisse sur les assistants un regard plein d'autorite.
Appuyant le poignet sur les bras du fauteuil, il s'eloigne de son siege
ordinaire, et s'avance, avec inquietude, quoique affaibli par les ans,
vers le corps immobile de son premier-ne. Il parle dans une langue
etrangere, et chacun l
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