opper ma pensee qui interesse et agace en meme temps
par une harmonie des plus penetrantes, que je ne crois pas qu'il soit
necessaire, pour arriver au but que l'on se propose, d'inventer une
poesie tout a fait en dehors de la marche ordinaire de la nature, et
dont le souffle pernicieux semble bouleverser meme les verites absolues;
mais, amener un pareil resultat (conforme, du reste, aux regles de
l'esthetique, si l'on y reflechit bien), cela n'est pas aussi facile
qu'on le pense: voila ce que je voulais dire. C'est pourquoi je ferai
tous mes efforts pour y parvenir! Si la mort arrete la maigreur
fantastique des deux bras longs de mes epaules, employes a l'ecrasement
lugubre de mon gypse litteraire, je veux au moins que le lecteur en
deuil puisse se dire: "Il faut lui rendre justice. Il m'a beaucoup
cretinise. Que n'aurait-t-il pas fait, s'il eut pu vivre davantage!
c'est le meilleur professeur d'hypnotisme que je connaisse!" On gravera
ces quelques mots touchants sur le marbre de ma tombe, et mes manes
seront satisfaits!--Je continue! Il y avait une queue de poisson qui
remuait au fond d'un trou, a cote d'une botte eculee. Il n'etait pas
naturel de se demander: "Ou est le poisson? Je ne vois que la queue qui
remue." Car, puisque, precisement, on avouait implicitement ne pas
apercevoir le poisson, c'est qu'en realite il n'y etait pas. La pluie
avait laisse quelques gouttes d'eau au fond de cet entonnoir, creuse
dans le sable. Quant a la botte eculee, quelques-uns ont pense depuis
qu'elle provenait de quelque abandon volontaire. Le crabe tourteau, par
la puissance divine, devait renaitre de ses atomes resolus. Il tira du
puits la queue de poisson et lui promit de la rattacher a son corps
perdu, si elle annoncait au Createur l'impuissance de son mandataire a
dominer les vagues en fureur de mer maldororienne. Il lui preta deux
ailes d'albatros, et la queue de poisson prit son essor. Mais elle
s'envola vers la demeure du renegat, pour lui raconter ce qui se passait
et trahir le crabe tourteau. Celui-ci devina le projet de l'espion, et,
avant que le troisieme jour fut parvenu a sa fin, il perca la queue du
poisson d'une fleche envenimee. Le gosier de l'espion poussa une faible
exclamation, qui rendit le dernier soupir avant de toucher la terre.
Alors, une poutre seculaire, placee sur le comble d'un chateau, se
releva de toute sa hauteur, en bondissant sur elle-meme, et demanda
vengeance a grands cris. Mais le Tout-Puissant, cha
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