ascendantes d'une tour elevee.
Je suis parvenu, les jambes lasses, sur la plate-forme vertigineuse. J'ai
regarde la campagne, la mer; j'ai regarde le soleil, le firmament;
repoussant du pied le granit qui ne recula pas, j'ai defie la mort et la
vengeance divine par une huee supreme, et me suis precipite, comme un pave,
dans la bouche de l'espace. Les hommes entendirent le choc douloureux et
retentissant qui resulta de la rencontre du sol avec la tete de la
conscience, que j'avais abandonnee dans ma chute. On me vit descendre,
avec la lenteur de l'oiseau, porte par un nuage invisible, et ramasser
la tete, pour la forcer a etre temoin d'un triple crime, que je devais
commettre le jour meme, pendant que la peau de ma poitrine etait immobile
et calme, comme le couvercle d'une tombe! Une tete a la main, dont je
rongeais le crane, je me suis dirige vers l'endroit ou s'elevent les
poteaux qui soutiennent la guillotine. J'ai place la grace suave des cous
de trois jeunes filles sous le couperet. Executeur des hautes-oeuvres, je
lachai le cordon avec l'experience apparente d'une vie entiere; et, le fer
triangulaire, s'abattant obliquement, trancha trois tetes qui me
regardaient avec douceur. Je mis ensuite la mienne sous le rasoir pesant,
et le bourreau prepara l'accomplissement de son devoir. Trois fois, le
couperet redescendit entre les rainures avec une nouvelle vigueur; trois
fois, ma carcasse materielle, surtout au siege du cou, fut remuee jusqu'en
ses fondements, comme lorsqu'on se figure en reve etre ecrase par une
maison qui s'effondre. Le peuple stupefait me laissa passer, pour m'ecarter
de la place funebre; il m'a vu ouvrir avec mes coudes ses flots
ondulatoires, et me remuer, plein de vie, avancant devant moi, la tete
droite, pendant que la peau de ma poitrine etait immobile et calme, comme
le couvercle d'une tombe! J'avais dit que je voulais defendre l'homme,
cette fois; mais, je crains que mon apologie ne soit pas l'expression de la
verite: et, par consequent, je prefere me taire. C'est avec reconnaissance
que l'humanite applaudira a cette mesure!
* * * * *
Il est temps de serrer les freins a mon inspiration, et de m'arreter, un
instant, en route, comme quand on regarde le vagin d'une femme; il est
bon d'examiner la carriere parcourue, et de s'elancer, ensuite, les
membres reposes, d'un bond impetueux. Fournir une traite d'une seule
haleine n'est pas facile; et les ailes se fatiguent
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