role. Les enfants la poursuivent a coups de
pierre, comme si c'etait un merle. Elle a laisse tomber de son sein un
rouleau de papier. Un inconnu le ramasse, s'enferme chez lui toute la
nuit et lit le manuscrit, qui contenait ce qui suit: "Apres bien des
annees steriles, la Providence m'envoya une fille. Pendant trois jours,
je m'agenouillai dans les eglises, et ne cessai de remercier le grand
nom de Celui qui avait enfin exauce mes voeux. Je nourrissais de mon
propre lait celle qui etait plus que ma vie et que je voyais grandir
rapidement, douee de toutes les qualites de l'ame et du corps. Elle me
disait: "Je voudrais avoir une petite soeur pour m'amuser avec elle;
recommande au bon Dieu de m'en envoyer une; et, pour le recompenser,
j'entrelacerai, pour lui, une guirlande de violettes, de menthes et
de geraniums." Pour toute reponse, je l'enlevais sur mon sein et
l'embrassais avec amour. Elle savait deja s'interesser aux animaux, et
me demandait pourquoi l'hirondelle se contente de raser de l'aile les
chaumieres humaines, sans oser y rentrer. Mais, moi, je mettais un doigt
sur ma bouche, comme pour lui dire de garder le silence sur cette grave
question, dont je ne voulais pas encore lui faire comprendre les
elements, afin de ne pas frapper, par une sensation excessive, son
imagination enfantine; et, je m'empressais de detourner la conversation
de ce sujet, penible a traiter pour tout etre appartenant a la race qui
a etendu une domination injuste sur les autres animaux de la creation.
Quand elle me parlait des tombes du cimetiere, en me disant qu'on
respirait dans cette atmosphere les agreables parfums des cypres et des
immortelles, je me gardai de la contredire; mais, je lui disais que
c'etait la ville des oiseaux, que, la, ils chantaient depuis l'aurore
jusqu'au crepuscule du soir, et que les tombes etaient leurs nids, ou
ils couchaient la nuit avec leur famille, en soulevant le marbre. Tous
les mignons vetements qui la couvraient, c'est moi qui les avais cousus,
ainsi que les dentelles, aux mille arabesques, que je reservais pour le
dimanche. L'hiver, elle avait sa place legitime autour de la grande
cheminee; car elle se croyait une personne serieuse, et, pendant l'ete,
la prairie reconnaissait la suave pression de ses pas, quand elle
s'aventurait, avec son filet de soie, attache au bout d'un jonc, apres
les colibris, pleins d'independance, et les papillons, aux zigzags
agacants. "Que fais-tu, petite vagabonde, quand la
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