s jambes, a travers la prairie. Ses gemissements se joignent aux
pleurs de l'animal. La jeune fille lui presente la croix d'or qui ornait
son cou, afin qu'il l'epargne; elle n'avait pas ose la presenter aux
yeux farouches de celui qui, d'abord, avait eu la pensee de profiter
de la faiblesse de son age. Mais le chien n'ignorait pas que, s'il
desobeissait a son maitre, un couteau lance de dessous une manche,
ouvrirait brusquement ses entrailles, sans crier gare. Maldoror (comme
ce nom repugne a prononcer!) entendait les agonies de la douleur, et
s'etonnait que la victime eut la vie si dure, pour ne pas etre encore
morte. Il s'approche de l'autel sacrificatoire, et voit la conduite
de son bouledogue, livre a de bas penchants, et qui elevait sa tete
au-dessus de la jeune fille, comme un naufrage eleve la sienne au-dessus
des vagues en courroux. Il lui donne un coup de pied et lui fend un
oeil. Le bouledogue, en colere, s'enfuit dans la campagne, entrainant
apres lui, pendant un espace de route qui est toujours trop long pour
si court qu'il fut, le corps de la jeune fille suspendue, qui n'a ete
degage que grace aux mouvements saccades de la fuite; mais, il craint
d'attaquer son maitre, qui ne le reverra plus. Celui-ci tire de sa poche
un canif americain, compose de dix a douze lames qui servent a divers
usages. Il ouvre les pattes anguleuses de cet hydre d'acier; et, muni
d'un pareil scalpel, voyant que le gazon n'avait pas encore disparu sous
la couleur de tant de sang verse, s'apprete, sans palir, a fouiller
courageusement le vagin de la malheureuse enfant. De ce trou elargi, il
retire successivement les organes interieurs; les boyaux, les poumons,
le foie et enfin le coeur lui-meme sont arraches de leurs fondements
et entraines a la lumiere du jour, par l'ouverture epouvantable. Le
sacrificateur s'apercoit que la jeune fille, poulet vide, est morte
depuis longtemps; il cesse la perseverance croissante de ses ravages,
et laisse le cadavre redormir a l'ombre du platane. On ramassa le canif,
abandonne a quelques pas. Un berger, temoin du crime, dont on n'avait
pas decouvert l'auteur, ne le raconta que longtemps apres, quand il se
fut assure que le criminel avait gagne en surete les frontieres, et
qu'il n'avait plus a redouter la vengeance certaine proferee contre lui,
en cas de revelation. Je plaignis l'insense qui avait commis ce forfait,
que le legislateur n'avait pas prevu, et qui n'avait pas eu de
precedents. Je le plaigni
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