oi, aussi, je voulus
penetrer dans cette maison! J'allais descendre du pont, quand je vis,
sur l'entablement d'un pilier, cette inscription, en caracteres hebreux:
"Vous qui passez sur ce pont, n'y allez pas. Le crime y sejourne avec
le vice; un jour, ses amis attendirent en vain un jeune homme qui avait
franchi la porte fatale." La curiosite l'emporta sur la crainte; au bout
de quelques instants, j'arrivai devant un guichet, dont la grille
possedait de solides barreaux, qui s'entre-croisaient etroitement. Je
voulus regarder dans l'interieur, a travers ce tamis epais. D'abord,
je ne pus rien voir; mais, je ne tardai pas a distinguer les objets
qui etaient dans la chambre obscure, grace aux rayons du soleil qui
diminuait sa lumiere et allait bientot disparaitre a l'horizon. La
premiere et la seule chose qui frappa ma vue fut un baton blond, compose
de cornets, s'enfoncant les uns dans les autres. Ce baton se mouvait!
Il marchait dans la chambre! Ses secousses etaient si fortes que le
plancher chancelait; avec ses deux bouts, il faisait des breches enormes
dans la muraille et paraissait un belier qu'on ebranle contre la porte
d'une ville assiegee. Ses efforts etaient inutiles; les murs etaient
construits avec de la pierre de taille, et, quand il choquait la paroi,
je le voyais se recourber en lame d'acier et rebondir comme une balle
elastique. Ce baton n'etait donc pas fait en bois! Je remarquai,
ensuite, qu'il se roulait et se deroulait avec facilite comme une
anguille. Quoique haut comme un homme, il ne se tenait pas droit.
Quelquefois, il l'essayait, et montrait un de ses bouts, devant le
grillage du guichet. Il faisait des bonds impetueux, retombait a terre
et ne pouvait defoncer l'obstacle. Je me mis a le regarder de plus en
plus attentivement et je vis que c'etait un cheveu! Apres une grande
lutte, avec la matiere qui l'entourait comme une prison, il alla
s'appuyer contre le lit qui etait dans cette chambre, la racine reposant
sur un tapis et la pointe adossee au chevet. Apres quelques instants de
silence, pendant lesquels j'entendis des sanglots entrecoupes, il eleva
la voix et parla ainsi: "Mon maitre m'a oublie dans cette chambre; il ne
vient pas me chercher. Il s'est leve de ce lit, ou je suis appuye, il
a peigne sa chevelure parfumee et n'a pas songe qu'auparavant j'etais
tombe a terre. Cependant, s'il m'avait ramasse, je n'aurais pas trouve
etonnant cet acte de simple justice. Il m'abandonne, dans cette chambre
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