s et ses mouvements d'aile, s'efforcait en vain de
nous avertir de la proximite possible de la tempete, et s'ecriait: "Ou
s'en vont-ils, de ce galop insense?" Nous ne disions rien; plonges dans
la reverie, nous nous laissions emporter sur les ailes de cette course
furieuse; le pecheur, nous voyant passer, rapides comme l'albatros, et
croyant apercevoir, fuyant devant lui, _les deux freres mysterieux_,
comme on les avait ainsi appeles, parce qu'ils etaient toujours
ensemble, s'empressait de faire le signe de la croix, et se cachait,
avec son chien paralyse, sous quelque roche profonde. Les habitants
de la cote avaient entendu raconter des choses etranges sur ces deux
personnages, qui apparaissaient sur la terre, au milieu des nuages,
aux grandes epoques de calamite, quand une guerre affreuse menacait
de planter son harpon sur la poitrine de deux pays ennemis, ou que le
cholera s'appretait a lancer, avec sa fronde, la pourriture et la mort
dans des cites entieres. Les plus vieux pilleurs d'epaves froncaient le
sourcil, d'un air grave, affirmant que les deux fantomes, dont chacun
avait remarque la vaste envergure des ailes noires, pendant les
ouragans, au-dessus des bancs de sable et des ecueils, etaient le genie
de la terre et le genie de la mer, qui promenaient leur majeste, au
milieu des airs, pendant les grandes revolutions de la nature, unis
ensemble par une amitie eternelle, dont la rarete et la gloire ont
enfante l'etonnement du cable indefini des generations. On disait que,
volant cote a cote comme deux condors des Andes, ils aimaient a planer,
en cercles concentriques, parmi les couches d'atmospheres qui avoisinent
le soleil; qu'ils se nourrissaient, dans ces parages, des plus pures
essences de la lumiere; mais, qu'ils ne se decidaient qu'avec peine a
rabattre l'inclinaison de leur vol vertical, vers l'orbite epouvante ou
tourne le globe humain en delire, habite par des esprits cruels qui se
massacrent entre eux dans les champs ou rugit la bataille (quand ils ne
se tuent pas perfidement, en secret, dans le centre des villes, avec le
poignard de la haine ou de l'ambition), et qui se nourrissent d'etres
pleins de vie comme eux et places quelques degres plus bas dans
l'echelle des existences. Ou bien, quand ils prenaient la ferme
resolution, afin d'exciter les hommes au repentir par les strophes de
leurs propheties, de nager, en se dirigeant a grandes brassees, vers les
regions siderales ou une planete se mouvait au mi
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